NÉOASSURANCES DIGITALISÉES POUR PLUS D’AGILITÉ ?
Réinventer l’assurance, telle est la mission que se sont assignés les néos. L’équation se résume à un resserrage de la variété des offres avec, en contrepartie, une présence forte auprès du client.
Pour Christophe Dandois, le patron de Leocare, ça ne fait guère de doute : « Alors qu’on croyait les acteurs de l’assurance protégés, une révolution va faire basculer le marché. » D’accord, mais vers quoi? Ce que le startuppeur qualifie de « troisième vague » – après une première en 1945 et une autre aux débuts d’internet – relève « d’une approche technologique, servicielle ». La différence essentielle est qu’elle consiste à « mettre dans la main des clients les services ». Ce qui revient à proposer à l’assuré d’être moins passif, à ne plus seulement signer un contrat pour l’oublier jusqu’à ce qu’il en ait malheureusement besoin. Il tient désormais un vrai rôle, par exemple en modifiant au
Ces contrats proposent des souscriptions très simples et donnent toutes les clés à l’assuré
jour le jour ses garanties. Prêter sa voiture à un voisin lorsqu’on ne s’en sert pas devient ainsi possible en quelques étapes sur une appli. Cette « révolution » annoncée n’est pas qu’une vue de l’esprit, aussi avisé soit-il, du dirigeant de Leocare. Des signes avant-coureurs de cette déflagration venue comme souvent des États-Unis sont déjà là. Notre interlocuteur évoque le géant américain de l’assurance Lemonade, « valorisé six milliards d’euros au Nasdaq ». Selon lui, l’Europe et la France suivent le mouvement avec plus ou moins de retard. « En Allemagne, des sociétés comme Fri : Day ou Wefox ont levé au total 300 millions d’euros et sont valorisés près d’un milliard d’euros. À nous tous, en France, on a levé quelques dizaines de millions d’euros. » Mais la déception ne s’annonce que temporaire. « Au tour suivant, ça va être quelques centaines de millions d’euros, on va avoir les moyens d’attaquer le marché », se réjouit-il.
Des contrats et des tarifs en toute transparence
Qu’on le veuille ou non, le processus est en marche. Mais quel intérêt pour le consommateur? « Les Français demandent de la proximité et de la transparence, notamment sur le prix », répond Christophe Dandois. En la matière, les outils technologiques sont imparables. Avec seulement quatre questions posées pour une assurance habitation, sept pour une voiture et huit pour une moto, Leocare se targue de proposer une souscription non seulement très simple, mais aussi de donner toutes les clés de compréhension à l’assuré. « Une petite barre de couleur (vert, orange, rouge) accompagne chaque réponse que vous allez formuler et vous montre son impact sur le tarif. Si vous êtes à Marseille, vous êtes dans le rouge, car le vandalisme est un sujet important. Au contraire, si vous êtes à Neuilly ou au fin fond de la Bretagne, vous êtes dans le vert », détaille le patron de Leocare. Plus d’agilité, plus de réactivité, plus de transparence, tout paraît finalement aller pour le mieux dans le meilleur des mondes au pays des néoassurances. En réalité, il faut, comme avec les néobanques, modérer un peu notre enthousiasme. Ces contrats, déjà, ne couvrent que les biens les plus communs. Si vous voulez assurer une Ferrari ou un manoir de 25 pièces avec dépendances, alors passez votre chemin. Mais « si vous vous trouvez pile dans la cible, il faut en profiter », assure Olivier Moustacakis, cofondateur du comparateur Assurland.com. Nulle magie à l’origine de ces tarifs préférentiels. La semi-automatisation à grand renfort d’algorithmes de certaines tâches, l’absence d’un réseau d’agences qu’il faut entretenir et faire vivre, sont autant d’atouts permettant de substantielles économies d’échelle.
Les assureurs traditionnels misent sur leur expertise en statistiques
Les assureurs plus traditionnels seraient-ils donc dépassés? Rien n’est moins sûr, rétorque avec conviction le directeur d’Assurland. « Les assureurs traditionnels possèdent une base statistique colossale et, en raison de leur masse critique, ce sont aussi les mieux positionnés, d’autant qu’ils s’inspirent des nouveaux entrants », énonce-t-il. Les « résultats techniques (différence entre les revenus dégagés et les charges, NDLR) seront-ils au rendez-vous, alors que les risques liés à la pandémie et aux pertes d’exploitation se multiplient ? » La question restera en suspens. Mais il est indéniable que, comme le souligne Olivier Moustacakis, « l’assurance reste un métier de statistiques ». On le voit déjà à l’aune du turn-over auquel sont soumis cette néobancassurance et tous les sous-produits de la fintech et de l’assurtech, il risque d’y avoir beaucoup d’appelés et peu d’élus. Le plus réjouissant peut-être reste que ce sont nous, les consommateurs, qui avons plus que jamais la main.z