"L’ADN de la photographie numérique est le même que celui de l’argentique "
Il y a quelques années, le numérique a ravivé sa passion pour la photographie. NIKOS ALIAGAS, l’animateur vedette de TF1, nous raconte comment et pourquoi, ainsi que les dessous de sa dernière exposition consacrée aux Parisiennes.
Depuis le 20 avril, et jusqu’au 10 mai, l’animateur de The Voice dévoile une partie de son travail photographique sur les grilles de l’Hôtel de Ville de Paris. Avec cette exposition, tout simplement intitulée « Parisiennes », l’homme des plateaux télé veut braquer les projecteurs sur celles qui symbolisent sa vision de la capitale. Camille-Lou, Juliette, Katya, Cassandre… Des femmes qui ne demandent pas à être connues mais auxquelles lui souhaite justement rendre hommage. L’occasion, aussi, de revenir avec nous sur sa passion pour la photographie. 01NET Avec cette exposition consacrée aux femmes de Paris, qu’avez-vous souhaité montrer? C’est un regard un peu décalé sur N. A. l’image de la Parisienne. J’ai voulu montrer ce qu’elle représente pour moi. Mon postulat de départ est simple, ce n’est pas la Parisienne dans l’air du temps et la mode, mais un personnage féminin que je vois sur le décor théâtral de Paris. C’est-à-dire ses quartiers qui, selon la lumière, se transforment. Depuis gamin, j’y vois des figures féminines un peu mythologiques, de la coiffeuse à la bouquiniste, de la policière à la fleuriste… Elles représentent pour moi une certaine idée de Paris. Des femmes du quotidien qui me touchent. La photo constitue une sorte de reconnaissance et de partage. En me postant derrière l’objectif, je veux les mettre dans la lumière. 01NET Le contexte de cet événement est particulier. Est-ce volontaire? Il y a en effet une résonance vis-àvis N. A. de la situation actuelle. Mais c’est un hasard du calendrier. Parce que cela fait près d’un an que je prépare cette exposition. Donc, effectivement, j’ai des soignantes. Pour autant, ce n’est pas une démarche médiatique. Il s’agit vraiment d’une démarche personnelle et de gratitude. Avec ces photos, je veux simplement remercier la coiffeuse qui me pinçait la joue quand j’étais gamin, la bouquiniste qui me conseillait un livre… C’est ça l’idée.
L’ADN DE LA PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE EST LE MÊME QUE CELUI DE L’ARGENTIQUE
01NET Comme toujours, vos clichés sont en noir et blanc. Pourquoi ce choix?
Je ne sais pas faire de la couleur. N.A. Quand je prends une photo, je la transpose déjà en noir et blanc dans ma tête. J’imagine à quoi un vert, un orange, un rouge peuvent correspondre. Il y a tout un voyage automatique qui se fait avant même que je traite la photo.
01NET C’est votre cinquième exposition parisienne. D’où vous vient cette passion pour la photo?
Ça a commencé quand j’étais gamin. N. A. Chaque soir, en rembobinant dans ma tête le film de ma journée, je voyais des photos. J’ai toujours eu une capacité à me souvenir des images. Et puis mon père m’a acheté un Instamatic. Mais tout est parti d’une émotion, d’une boîte à chaussures de mes grands-parents dans laquelle j’ai trouvé des photos de mes parents jeunes. Cette émotion est reliée à la prise de conscience du temps qui passe. J’ai réalisé que mes parents vieilliraient et finiraient par disparaître. Quelques années plus tard, j’ai compris que ma perception de la finitude passait par la photographie.
01NET Depuis, vous n’avez jamais cessé de faire des photos?
Je n’ai jamais arrêté d’observer, de capter N. A. des images. Mais lorsque je suis devenu journaliste, je n’ai plus eu le temps. En passant devant la caméra, j’ai laissé l’appareil de côté. Et puis c’est revenu vers le début des années 2000, avec le numérique, les réseaux sociaux, et mon besoin de raconter une histoire. Cela fait maintenant une quinzaine d’années que je reprends des photos et que je fais connaître mon travail, parallèlement à la télévision.
01NET Le numérique a donc changé la donne?
Oui et non. Au départ, je le snobais N. A. un peu. Je me disais que ce n’était pas de la photo. Et puis, finalement, je me suis rendu compte que le plus important c’est l’histoire. Et qu’aujourd’hui, avec des boîtiers numériques, on peut avoir de la qualité. Sachant qu’on peut même les utiliser avec d’anciennes focales, et ainsi mixer des univers. Reste la révélation photographique. Avant, elle se faisait dans le bain. Aujourd’hui, c’est une autre révélation, mais une révélation quand même. L’ADN de la photographie numérique est le même que celui de l’argentique. La quête d’une histoire et d’une image.
Travaillez-vous différemment? 01NET
Pas vraiment. Parce que, déjà, je ne N. A. mitraille pas. Sauf, parfois, pour saisir un mouvement. En fait, je photographie comme on le faisait avant, avec les appareils argentiques. Sans regarder tout de suite le résultat, sauf sur une première prise de vue pour vérifier la lumière. Parce que tu ne peux pas rentrer dans l’histoire si tu regardes. Il faut se projeter. C’est une projection la photo, ce n’est pas un constat. Et puis une photo réussie n’est pas forcément techniquement parfaite. L’important, c’est qu’elle ait une âme.
Retouchez-vous vos clichés? 01NET
La transposition en noir et blanc est N. A. une forme de retouche. Mais en dehors de cela, très peu. Sur les « Parisiennes », j’ai retouché légèrement certaines dames pour les préserver, parce que je fais des photos très contrastées et très dures. Mais l’idée est que cela ne se voit pas. De toute façon, c’est un métier la retouche, et je ne le connais pas bien.
01NET En couverture de votre livre, Nikos Now, sorti en 2011, on vous voyait avec un smartphone. Utilisez-vous toujours aussi votre mobile?
Je l’utilise un peu pour les réseaux, N. A. mais sinon je suis au boîtier. J’ai peut-être une photo, dans l’expo, qui a été faite avec parce que je n’avais pas mon appareil sur moi à ce moment-là. Le problème, avec les smartphones, c’est que tout est lisse, il n’y a pas de perspective, ou alors c’est de la fausse perspective. Et puis les photos sont déjà traitées, déjà produites. Sur des tirages grand format, ça se voit.
01NET La crise sanitaire a-t-elle modifié votre façon de photographier?
Certainement. Après la sidération du N. A. premier confinement, j’ai eu du mal à prendre mon appareil lorsque je sortais. J’avais peur d’être hors sujet. Et puis, finalement, je n’ai pas voulu perdre cette occasion d’être le témoin d’un Paris vide. Mais ça change beaucoup de choses. Car il s’agit d’être juste, pas voyeur, de ne pas tomber dans le facile, le sensationnel. Parce qu’une ville déserte, c’est toujours impressionnant. Ces photos sont devenues des documents personnels, que je ne peux d’ailleurs plus regarder aujourd’hui, car elles me rendent mélancolique. Comme tout le monde, je ne suis pas encore sorti du contrecoup psychologique de cette histoire.