LES PARIS SPORTIFS EN LIGNE
Ne vous trompez pas de bookmaker !
Jérôme vient de vivre un conte de fées. Après s’être amusé aux pronostics entre amis lors de la Coupe du monde de football 2018, ce Bordelais de 23 ans a pris le virage du pari sportif en ligne. Le 16 janvier, il ouvre son compte sur Betclic avec une stratégie raisonnable : se limiter au foot, qu’il maîtrise bien, choisir les matchs aux cotes élevées, ne rejouer que ses gains. Il mise d’abord 400 € sur la victoire de Troyes contre Sochaux en ligue 2. Test réussi avec un bénéfice de 828 €. Six fois, les semaines suivantes, il enchaîne les victoires. Le 11 février, sa cagnotte atteint 22320 €, mais cela ne lui suffit pas. Jérôme est avant tout un joueur. Se sentant en veine, il tente alors le tout pour le tout, pariant sur une série d’égalités lors de la 21e journée de la Bundesliga, le championnat allemand. Et là, Bingo! Six des sept rencontres qu’il a pronostiquées se soldent par des matchs nuls pour un profit final de… 890000 €. C’est le plus gros gain jamais attribué dans le pari sportif en France depuis l’ouverture de ce marché il y a un peu plus de dix ans. Il pulvérise le précédent record, détenu par Greg. En mars 2020, ce Toulousain de 39 ans avait gagné 399441 € sur Winamax avec un combiné complexe de sports associant biathlon, rugby, football, basket et tennis.
Pour tous les goûts et les passions
Incontestablement, la gagne est de mise dans le pari sportif. Le nombre de joueurs avoisine les 4,5 millions de comptes actifs, en progression de 30 % en un an. Et toutes les conditions sont réunies pour que l’année 2021 soit flamboyante. D’abord en raison de la frustration accumulée par les parieurs pour cause de rencontres annulées lors des confinements. Et maintenant la succession de grands évènements internationaux, avec l’Euro de football (du 11 juin au 11 juillet), les Jeux Olympiques de Tokyo (du 23 juillet au 8 août), les mondiaux de handball (qui se sont terminés le 31 janvier) et de rugby à XIII (du 23 octobre au 27 novembre). Sans oublier le Tour de France (du 26 juin au 18 juillet) et RolandGarros (du 30 mai au 13 juin). En 2021, il y en a pour tous les goûts. Alors pourquoi ne pas se laisser tenter? D’autant que l’Agence nationale du jeu (ANJ), créée en juin 2020, veille désormais à la sécurité des parieurs, lutte contre les sites illégaux et
l’addiction, délivre les licences et supervise le fonctionnement de tous les bookmakers opérateurs de paris sportifs et de poker en ligne, ainsi que de la Française des jeux et du PMU. Surtout, elle liste les sports, les compétitions (bit.ly/3t417Bh) et les phases de jeu (bit.ly/31W4yOq) ouverts aux paris afin d’écarter les compétitions risquées ou manipulables, comme il y en a eu tant par le passé. Enfin, l’arrivée de Denys Millet, ancien magistrat, au titre de médiateur des jeux, opérationnel depuis fin 2019, devrait apaiser les échanges entre joueurs et opérateurs, jusqu’à peu parfois violents.
90 % des paris sur smartphone ou tablette
Le résultat ne s’est pas fait attendre : le nombre des bookmakers agréés par l’ANJ progresse d’année en année; ils sont quinze aujourd’hui contre neuf en 2012, dont deux de plus en un an, sans compter le Groupe Barrière, le roi français du casino, qui vient de s’associer avec VBet pour ouvrir son site (en marque blanche pour le moment). Les joueurs n’ont donc que l’embarras du choix. Aujourd’hui, les champions de la mise se nomment Betclic, Unibet, Winamax et Parions Sport, dont les applis mobiles sont parmi les plus performantes pour jouer. Car le jeu se fait désormais surtout sur support mobile – tablette ou smartphone – lors de paris en direct au moment des rencontres. Et ce que le parieur soit au stade ou simplement devant son écran. Chez certains, plus de 90 % des paris y sont réalisés. Mais même contrôlé de près, le pari sportif reste un jeu de hasard risqué et très aléatoire. Le nombre de gains supérieurs à 100000 €, que certains sites mettent abondamment en avant, dépasse rarement la douzaine par an. Les autres se montent à quelques dizaines, voire plus rarement centaines d’euros. Les matchs truqués perdurent et font l’objet d’annulations parfois justifiées ou non par les bookmakers. Ils se produisent généralement dans certains pays de l’Est, lors de championnats sans grand enjeu de classement ou de rencontres amicales. Quant aux bonus de bienvenue ou incitatifs, ils servent à doper les paris, mais à quel prix! Leur formulation souvent très compliquée fait l’objet de nombreuses réclamations. Il faudra s’en méfier et bien lire les conditions avant de les utiliser pour être certain d’en bénéficier. D’autres problèmes sont aussi apparus avec la limitation ou l’encadrement des mises, la grande complexité des très nombreux paris secondaires sur les phases de jeu ou périodes, parfois incompréhensibles dans leur formulation.
Le nerf de l’enjeu est la cote attribuée à chaque match
De même, il faudra éviter les martingales offertes ou vendues par des pronostiqueurs ou experts soi-disant infaillibles. L’ANJ s’en soucie et demande aux opérateurs de ne pas les soutenir ni de les financer. Car, contrairement au poker, personne n’arrive vraiment à gagner régulièrement de quoi vivre avec le pari sportif. Dans la pratique, les paris mutualisés, où le bookmaker redistribue l’intégralité des mises après avoir prélevé sa commission, sont devenus rares à cause d’un trop faible nombre de participants. Aujourd’hui, seuls des paris à cote fixe sont proposés. Le nerf de l’enjeu est alors la cote attribuée à chaque match ou phase de match. Elle varie dans le temps, en fonction de formules mathématiques élaborées par chaque bookmaker en fonction des statistiques antérieures des rencontres, de la forme des sportifs, de leur probabilité de victoire. Cette cote indique le gain potentiel selon la formule : bénéfice = (mise x cote) – mise. Un pari de 10 € gagnant avec une cote à 1,8 rapportera 8 €, avec une cote à 3,5 ce sera 25 €. Les comparateurs de cote en ligne sont alors bien utiles pour identifier les plus généreux, même s’il faut se méfier des sites qui mettent davantage en avant ceux qui les sponsorisent, notamment par affiliation.
Un secteur d’activité très rentable depuis 2017
Pour se rémunérer, les bookmakers jouent sur le pourcentage d’argent redistribué (taux de retour joueur ou TRJ), fixé au maximum à 85 % par l’ANJ. Il
Les revenus des bookmakers varient entre 15 et 20 % des mises
est évalué pour chaque pari, selon une formule de type TRJ = 1 / (1/cote 1 + 1/ cote 2 + 1/cote 3) x 100, dans le cas d’un match de type victoire/nul/perdu. Globalement, les revenus des bookmakers varient alors de 15 à 20 % des mises. Un bénéfice confortable qui nécessite toutefois de lourds investissements informatiques, un coûteux service d’assistance et de nombreuses actions en marketing, concurrence oblige. Ils doivent aussi verser 54,9 % de taxes à l’État (33,7 %), à l’Agence nationale du sport (10,6 %) et à la sécurité sociale (10,6 %), cela avant impôts. L’activité n’est devenue pleinement rentable pour eux, en moyenne, que depuis 2017. Bien qu’ils restent les grands gagnants du pari sportif. Comme au temps de la ruée vers l’or : ce ne sont pas les chercheurs d’or qui se sont le plus enrichis, mais les vendeurs de pelles et de pioches.z
Le nombre de gains supérieurs à 100000 € dépasse rarement la douzaine par an.