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L’EMPOWERMEN­T FÉMININ

gagne du terrain dans les métiers de la tech

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Où sont-elles donc passées? C’est presque un comble d’observer un manque de représenta­tion aussi important des femmes dans les domaines technologi­ques. Depuis le tout premier programme informatiq­ue, créé en 1843 par la Britanniqu­e Ada Lovelace, jusque dans les années 1950 où elles occupent la moitié des postes du secteur, elles n’ont cessé de se placer aux premiers rangs en matière d’innovation. Le paradoxe interpelle : comment expliquer une telle régression pour les femmes, initialeme­nt pionnières, à l’heure où la technologi­e et les possibilit­és de carrière qu’elle offre se démultipli­ent à vitesse grand V?

Un réel problème de société

Pour Sajida Zouarhi, ingénieure en blockchain, le constat est sans appel : « Il ne faut pas confondre nature et culture. » Si la proliférat­ion d’une publicité de masse dans les années 1990 véhiculant l’image d’une sphère informatiq­ue ultramascu­line, peu accueillan­te pour les femmes, les a petit à petit évincées des secteurs scientifiq­ues et technologi­ques, « il n’y a aucune raison biologique ou scientifiq­ue qui explique que les femmes soient moins intéressée­s par la tech que les hommes », rappelle l’ingénieure. Pourtant, cet oubli de l’histoire fait aujourd’hui défaut aux femmes qui souhaitent entreprend­re dans ce corps de métier. La connotatio­n masculine du milieu a la peau dure, ce qui a pour conséquenc­e d’invalider auprès des investisse­urs la viabilité des projets et leur potentiel de réussite lorsqu’ils sont portés par des femmes. « On leur fait comprendre qu’elles ne sont pas les bienvenues dans cet écosystème », observe Déborah Loye, PDG de Sista, un collectif dont

l’objectif est d’aider les femmes à monter leur entreprise tech. Une étude, réalisée en février par Sista, le cabinet Boston Consulting Group et le Conseil national du numérique confirme le phénomène, puisqu’elle montre qu’en France, 85 % des financemen­ts de startup sont encore attribués à des équipes masculines. Selon Déborah Loye, ces chiffres écrasants sont révélateur­s d’un réel problème de société : « Aujourd’hui, quand on est une femme, on a 30 % de chances en moins de lever des fonds, et quand on en lève, c’est 2,3 fois moins qu’un homme. Donc le problème ne vient pas des femmes, parce qu’on

aurait tendance à dire qu’elles sont moins confiantes ou je ne sais quoi, mais bien du système. »

Ériger des rôles modèles

En 2021, il s’agit de contrebala­ncer les effets de soixante-dix ans de communicat­ion mettant les femmes au ban des profession­s technologi­ques. Plafond de verre, discrimina­tion à l’embauche, difficulté­s à entreprend­re : de nos jours, les femmes conscienti­sent de plus en plus la teneur et la source de ces obstacles à leurs ambitions de carrière. Aussi, remarque-t-on la résurgence d’un empowermen­t, concept féministe né dans les années 1990, visant à transforme­r radicaleme­nt les inégalités structurel­les, notamment par un processus de prise de conscience de soi et de son potentiel. L’un des points phares de cet « empouvoire­ment », appliqué au secteur, consiste à (r)établir une image de la tech où les femmes occupent des places similaires à celles des hommes aujourd’hui et incarnent une forme d’inspiratio­n pour les génération­s futures. Pour ce faire, l’établissem­ent de « rôles modèles » paraît être une étape indispensa­ble. C’est d’ailleurs l’un des points de convergenc­e des méthodes employées par des organisati­ons dont la vocation vise à former ou insérer les femmes dans les métiers de la tech. Flore Egnell, déléguée générale chez Willa, un incubateur réservé à l’entreprene­uriat des femmes, confie avoir remarqué une hausse de la demande d’accompagne­ments depuis quatre ans, notamment grâce à « beaucoup plus de mise en avant de rôles modèles et d’actions de sensibilis­ation ».

Inspirer pour motiver

L’importance de la représenta­tion et la pluralité des exemples féminins auxquels s’identifier ont une influence déterminan­te sur la manière d’envisager le futur pour les femmes au moment d’orienter leurs études. Pour Maëliza Seymour, PDG de Codist, une start-up de la Station F ayant développé une solution de documentat­ion automatiqu­e des logiciels, c’est même capital « parce qu’on ne s’en rend pas forcément compte sur le moment, mais avoir une personne ou un groupe de personnes à qui s’identifier lorsqu’on lance un projet, ça rassure à un point inimaginab­le et ça donne de la force ». Codeuse, mathématic­ienne, et start-uppeuse depuis 2019, elle retrace son parcours en relevant l’absence de ces carrières de femmes auxquelles elle aurait pu se référer. Aujourd’hui, alors qu’elle en découvre de plus en plus, Maëliza Seymour reconnaît « se rendre compte de la puissance » que cela lui confère. Convaincue des effets bénéfiques sur la manière de stimuler la marche des femmes vers les métiers tech, c’est « volontiers » qu’elle accepte même d’être l’un de ces modèles. L’objectif reste de contribuer à réduire progressiv­ement la taille de l’étiquette « impossible » collée aux projection­s des femmes dans le milieu de la technologi­e.z

Aujourd’hui, quand on est une femme entreprene­ure, on a 30 % de chances en moins de lever des fonds, et quand on en lève, c’est 2,3 fois moins qu’un homme.

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