Du vert dans le ciel
L’entreprise française Flying Whales va construire des dirigeables capables de transporter jusqu’à soixante tonnes de matériel.
Décarbonation. Le mot est sur toutes les lèvres et c’est un euphémisme de dire qu’il était grand temps! L’Union européenne comptant obliger les constructeurs à ne vendre que des véhicules 100 % électriques dès 2035 (lire p. 24), tous les fabricants de poids lourds et de navires travaillent au développement de modèles propulsés à l’hydrogène. Et puis il y a Flying Whales. Cette entreprise française créée en 2012 ambitionne de produire des dirigeables affectés au transport de marchandises, sans aucune émission de gaz à effet de serre (GES).
Un géant des airs avec un moteur hybride
En décembre dernier, elle a dévoilé le modèle numérique final de son aérostat, le LCA60T. Un monstre de 200 mètres de long et 50 mètres de diamètre, capable de transporter jusqu’à 60 tonnes de charge utile sur 1000 km, à 100 km/h! C’est à Laruscade, en Gironde, que seront assemblés les dirigeables pour un coût d’implantation de 100 à 130 millions d’euros, d’après Les Echos. La construction de l’usine pourrait débuter cette année. Le premier aérostat devrait prendre l’air en 2024 pour la phase d’essais, la certification et le lancement des opérations intervenant deux ans plus tard. Le LCA60T sera propulsé par un moteur hybride : du kérosène aéronautique fournira l’énergie électrique alimentant les 32 moteurs répartis en 7 points de propulsion. Le dispositif produira donc des GES, mais dans des proportions bien moindres que celles engendrées par le transport aérien – jusqu’à cinquante fois moins qu’un hélicoptère, par tonne transportée. En outre, l’entreprise développe une pile à hydrogène qui devrait se substituer à l’énergie fossile, pour atteindre le zéro émission. En revanche, c’est de l’hélium qui assurera la flottabilité de l’appareil. Or le gaz rare est un sous-produit du gaz naturel, une énergie non renouvelable et émettrice de GES. L’idéal serait d’employer du dihydrogène, mais son stockage est complexe, en raison de son caractère hautement inflammable, comme l’a tristement montré la destruction du Zeppelin Hindenburg, en 1937.
Transport de matériel dans des zones inaccessibles
À quoi vont servir ces énormes engins? En raison de leur aptitude au vol stationnaire, ils achemineront de lourdes charges dans ou depuis des zones inaccessibles par d’autres modes de transport : pylônes électriques en montagne, pales d’éoliennes, matériel technique ou de secours dans des lieux sinistrés. L’Office national des forêts s’est montré intéressé pour exploiter des zones forestières aujourd’hui inaccessibles en raison de l’absence de routes. Mais ces marchés sont-ils suffisamment rentables pour couvrir les centaines de millions d’euros d’investissement nécessaires au développement de la filière? Et surtout, une mise en service en 2026 est-elle envisageable? On l’espère, pour la planète, mais les précédents incitent à la circonspection. En 2016, l’entreprise Hybrid Air Vehicle lançait le premier prototype fonctionnel de son dirigeable Airlander 10, retiré en 2019 à l’issue des tests émaillés par un crash. Désormais elle annonce une entrée en service en 2025 au plus tôt, pour le transport de passagers. Et que dire du géant Lockheed Martin qui annonçait la commercialisation de son dirigeable LMH-1 en 2018? Il vole, oui, mais seulement en simulation 3D. La prudence est donc de mise.