Bienvenue dans l’ère électrique
Le 14 juillet dernier, Bruxelles a sifflé l’arrêt de la commercialisation des voitures thermiques en 2035. Un projet qui met fin à plus d’un siècle de technologie et d’habitudes. En route pour une révolution.
La seule technologie qui répond au zéro émission est la voiture électrique
Dès 2035, le pétrole, c’est fini. Du moins pour les voitures. Le 14 juillet, la Commission européenne a tiré un feu d’artifice de mesures pour réduire les émissions de carbone liées au transport. Selon l’Agence internationale pour l’énergie, cette activité représente 29 % des émissions de CO2. Appelé « Fit for Fifty », que l’on pourrait (mal) traduire par « Prêt pour cinquante », ce projet vise à réduire de 55 % les émissions des voitures en 2030, de 50 % celles des camionnettes et atteindre le zéro émission pour les voitures neuves en 2035. D’ici quatorze ans donc, soit, dans l’industrie automobile, deux générations de modèles. La seule technologie qui répond à ce zéro émission est la voiture électrique, qu’elle soit à batterie ou à hydrogène. Cet impératif interdit donc tous les véhicules thermiques, y compris hybrides et hybrides rechargeables. Sentant le vent tourner, les constructeurs automobiles ont fait des annonces aussi tonitruantes les unes que les autres sans que l’on sache en détail comment ils comptent parvenir à ce zéro émission en si peu de temps. Jaguar a dégainé le premier en annonçant qu’il ne commercialisera plus de voitures thermiques dans cinq ans. De son côté, Opel vient d’annoncer qu’à partir de 2028, la marque sera 100 % électrique.
Ambiguïté volontaire
Ford table sur 2030, tout comme Alpine, tandis que Volkswagen et Audi annoncent 2033-2035. Pour les autres, c’est le flou artistique le plus complet, chacun jouant sur le terme « véhicule électrifié », sans préciser quelle sera la technologie retenue. Ce projet, le plus ambitieux de la planète en matière de réduction d’émissions de CO2, est-il réalisable? Difficile à dire. Les constructeurs se disent prêts à relever le défi. Ils n’ont d’ailleurs pas le choix. Certes, les modèles disponibles aujourd’hui sur le marché sont techniquement fiables. Leur technologie ne cesse d’évoluer et leur autonomie progresse. En outre, certains constructeurs promettent que le coût entre une voiture thermique et une électrique basculera en faveur de l’électrique à la fin de la décennie. Pour autant, il faudra probablement mettre beaucoup d’argent sur la table pour convaincre les automobilistes européens de passer au tout électrique en moins de quinze ans. Outre le prix des véhicules, le maillon faible de ce très audacieux projet reste les infrastructures de recharge. Fin 2020, il n’existait que 260000 bornes dans toute l’Europe, 70 % d’entre elles étant situées en Allemagne, en France et aux Pays-Bas.
Développer les bornes
Pour combler ce retard, l’Union européenne en promet 1 million dans quatre ans, 3,5 millions en 2030 et 16,3 millions en 2035.« Pour chaque voiture électrique à batterie (par opposition à la voiture à hydrogène – NDLR) immatriculée dans un État membre, 1 kW de capacité de recharge devra être installé », indique la Commission dans son rapport. Bruxelles veut également des bornes de recharge rapide d’une capacité de 300 kW tous les 60 km sur les grands axes autoroutiers. Cela sera-t-il suffisant? Pour rappel, on trouve en Europe une station-service tous les 40 à 50 km, dans laquelle on peut faire le plein en moins de 5 minutes, ce qui est
encore loin d’être le cas pour les voitures électriques. Actuellement, seules les Porsche Taycan et Audi e-tron GT, ainsi que le SUV Hyundai Ioniq 5, permettent, grâce à la tension de leur batterie (800 V), une recharge de 20 à 80 % en 15 minutes. Pour pallier ce problème, les constructeurs promettent des batteries plus performantes. Ils parlent notamment de batteries lithium-ion phosphate de fer et de batteries solides. La première technologie fait l’impasse sur le cobalt, élément très onéreux, ce qui permet de baisser le coût de la batterie tandis que la seconde ne nécessite plus de système de refroidissement. Dans les deux cas, elles sont capables de mieux supporter les recharges rapides. Mais elles affichent d’importants inconvénients. La première perd beaucoup en capacité dès que le temps se refroidit; la seconde, lourde et encombrante, réduit les performances de la voiture. Autre problématique, le coût de la construction de bornes. Rien qu’en France, la PFA (Plateforme automobile), qui regroupe les intérêts de la filière automobile, estime par la voix de son président, Luc Chatel, qu’il « faudrait un investissement de 8,5 milliards d’euros uniquement pour le déploiement des bornes indispensables pour les 10 millions de véhicules électriques prévus du parc roulant en France dans les années à venir ». Concernant l’hydrogène, la Commission reste assez discrète sur cette technologie. L’Europe préconise néanmoins l’implantation d’une station tous les 150 km sur les axes routiers majeurs, destinée aussi bien aux voitures qu’aux camions.
Énergies vertes
Si la Commission a donné une feuille de route claire pour décarboner les transports, le chemin pour y arriver ne va pas être un long fleuve tranquille. La France milite par exemple activement pour que les hybrides et hybrides rechargeables puissent continuer à être vendues au-delà de 2035. En outre, ce projet doit passer devant le Parlement européen et différentes institutions avant d’être validé. Reste également un enjeu de taille : la production d’électricité. En Europe, elle représente aujourd’hui la première source d’émissions de CO2, étant responsable de 33 % d’entre elles selon l’Agence internationale de l’énergie. Demain, à combien s’élèvera cette part pour alimenter toutes ces futures voitures électriques? Personne ne semble avoir la réponse.