L’avenir de la guerre
Les États-Unis développent une intelligence artificielle militaire pour prédire l’évolution d’une menace plusieurs jours à l’avance.
« Celui qui excelle à résoudre les difficultés les résout avant qu’elles ne surgissent; celui qui excelle à vaincre ses ennemis triomphe avant que les menaces de ceux-ci ne se concrétisent. » Cette citation, énoncée voilà deux mille cinq cents ans par le célèbre général chinois Sun Tzu, semble plus que jamais d’actualité. Le Pentagone vient en effet de présenter les résultats de la troisième expérimentation du projet GIDE (Global Information Dominance Experiments), dont l’objectif n’est autre que de prédire l’avenir! Le coeur du dispositif repose sur l’intelligence artificielle (IA), plus précisément des algorithmes d’apprentissage automatique capables de compiler, comparer et interpréter à toute vitesse d’immenses quantités de données. Celles-ci proviennent d’une grande diversité de sources d’origine militaire, issues du renseignement et même civiles : smart grid (réseaux électriques intelligents), caméras de surveillance et autres objets connectés, satellites de télécommunication…
« Uncle Sam is watching you »
Aujourd’hui, ce sont des humains qui se chargent de ces opérations, mais l’analyse d’un jeu de données peut prendre plusieurs jours, et elle ne porte que sur une fraction des informations collectées. Le général Glen D. VanHerck, responsable du projet GIDE au Northcom, le département chargé de la défense du territoire américain, a ainsi précisé qu’à l’heure actuelle, seules 2 % des données recueillies par les radars de défense sont analysées par les opérateurs. Grâce à l’IA, c’est la totalité des informations qui pourront être traitées en quelques minutes et, surtout, elles seront agrégées à toutes les autres sources employées pour la surveillance. Le GIDE permet ainsi de détecter des changements très subtils dans le comportement d’un adversaire (la Russie et la Chine ont été clairement désignées par le militaire). Pris séparément, ceux-ci sembleraient anodins, mais, une fois assemblés et analysés en globalité, ils pourraient indiquer les prémices d’une opération de plus grande envergure. « La machine peut regarder et vous dire exactement combien de voitures sont dans un parking, ou combien d’avions sont alignés sur une piste, ou si ce sous-marin se prépare à partir, ou si un missile va être lancé, a ainsi déclaré le général VanHerck. Alors que cela pouvait prendre des jours ou des heures auparavant, aujourd’hui, cela ne nécessite que quelques secondes. »
Décourager l’ennemi avant qu’il ne passe à l’action
L’un des atouts de cette technologie est qu’elle ne requiert pas de lourds investissements pour être déployée. Et pour cause, l’IA ne fait qu’analyser des données existantes, qu’il suffit de lui fournir en temps réel via le cloud. D’après VanHerck, le GIDE a pour objectif d’apporter des options de dissuasion et de désescalade, en montrant aux adversaires que les risques de leurs actions sont supérieurs aux gains. Le général a tenu à préciser que si l’IA fournit des analyses sur des comportements douteux, c’est à l’homme qu’il revient le soin de prendre les décisions qui s’imposent. Mais pour combien de temps encore?