Ses propositions pour décarboner nos déplacements
C’est en connaissance de cause que Bertrand Piccard prend les problèmes écologiques à bras-le-corps et propose plus de 1000 solutions pour y remédier.
En avril 2021, Bertrand Piccard finalisait la labélisation des 1000 + solutions pour l’environnement et l’économie avec sa fondation Solar Impulse. Un engagement qu’il avait pris en 2016 à la COP 22 de Marrakech quelques mois après son tour du monde en avion solaire. Aujourd’hui, c’est un nouveau voyage autour de la Terre qui l’attend. Il envisage d’apporter des solutions aux pays et entreprises du monde entier pour atteindre un objectif précis : un futur « clean ».
Comment est née cette idée de chercher ces 1000 + solutions pour la planète?
BERTRAND PICCARD Le tour du monde de Solar Impulse m’a montré la nécessité de trouver des réponses pour l’industrie, l’économie, la politique, la vie de tous les jours qui soient financièrement rentables et surtout protègent l’environnement. Le tout, en considérant que le langage habituel des décideurs est celui de la création d’emplois, de profits et d’opportunités industrielles. Nous nous sommes donc attelés à chercher des solutions dans la mobilité, l’eau, l’énergie, la construction, l’industrie et l’agriculture qui sont, aujourd’hui, les secteurs les plus polluants tout en prenant en considération les besoins des décideurs.
Comment et quand comptezvous soumettre ces solutions aux différentes autorités?
B.P. Mon but, maintenant, est que ces 1000 solutions deviennent incontournables dans toutes les discussions environnementales. Nous devons faire savoir à chaque congrès, conférence, rencontre etc. qu’il existe des centaines et des centaines de possibilités qui sont à la fois écologiques et économiquement rentables. À chaque occasion qui se présen
tera, je veux enfoncer le clou toujours plus loin et dire « Vous voulez la neutralité carbone? Voilà les outils que vous pouvez utiliser pour y arriver ! ».
Quels sont-ils, ces outils?
À l’heure actuelle nous sommes arrivés à 1260 solutions et ce chiffre va continuer de grimper. Je peux citer, par exemple, l’injection de petites doses d’hydrogène dans les cylindres d’un moteur à combustion de manière à l’améliorer, ce qui entraînera une baisse de 20 % de la consommation de carburant et de 80 % des émissions toxiques du moteur. Pour les véhicules électriques, nous avons labélisé des systèmes de recharge de batteries à la fois plus rapides et qui prolongent leur durée de vie. Pour les bateaux, il existe des mâts voile rigides qui permettent une baisse de l’énergie de 30 %. Pour les avions, il y a des logiciels qui aident les pilotes à consommer moins ou encore des systèmes de propulsion à batteries ou à hydrogène. Également une façon de stocker de l’énergie sous forme de chaleur dans le sol. Et la liste est encore très longue!
Avez-vous déjà proposé quelques-unes de ces innovations à des entreprises françaises?
B.P. Bien sûr! Air France et sa filiale Transavia utilisent SkyBreathe, un logiciel d’optimisation de carburant pour les avions de lignes. Nous avons aussi La Poste qui utilise K-Ryole, une technique qui est en fait une assistance électrique pour remorque à vélo. Des voitures à hydrogènes roulent à Paris avec la compagnie de taxi Hype. Avec l’aéroport de Nice Côte d’Azur, nous testons en ce moment l’utilisation d’Antismog, un procédé permettant une réduction des émissources sions toxiques et qui comprend aussi des kits d’injections d’hydrogènes. Je suis également en pourparlers avec Anne Hidalgo et Tony Estanguet pour utiliser le maximum d’outils pendant les jeux Olympiques de 2024 qui peuvent faire office d’une formidable publicité et inciter les autres pays à suivre le pas.
Si ces méthodes sont appliquées à l’échelle mondiale, est-il réellement possible de ne plus polluer?
B.P. D’ici moins de trente ans, il est tout à fait envisageable d’être à 100 % de renouvelable grâce à deux évolutions simultanées : la généralisation des énergies recyclées et les économies d’énergie permises par l’efficience. La seule source de pollution qui restera peut-être, c’est l’extraction des matériaux dont on a besoin pour la transition énergétique. Certes, il y aura encore des mines, mais seulement jusqu’à ce que l’on accumule suffisamment de matériaux pour fonctionner entièrement avec le recyclage. Et si ces mines fonctionnent dans le respect des règles écologiques et des droits de l’homme, alors ce sera déjà un problème moins grave que celui auquel nous sommes confrontés aujourd’hui. Donc oui, nous pouvons être propres mais pour ça il faut que l’intégralité des d’énergies propres à notre disposition c’est-à-dire le solaire, l’éolien, l’hydraulique, la biomasse,la géothermie soient exploitées et aujourd’hui malheureusement nous en sommes encore très loin. Mais tout cela doit s’accompagner aussi d’un changement drastique de la mentalité mondiale, il faut en finir avec le gaspillage des ressources, de l’énergie ou de la nourriture.
Aujourd’hui, quels sont les pays qui ont le plus avancé dans ce sens, et à l’inverse ceux qui sont toujours en retard?
B.P. Même si ce n’est pas un pays, l’État de Californie est celui qui met en place le plus de mesure parmi nos 1260 solutions. Les pays scandinaves, le Portugal, le Maroc et l’Écosse sont en avance sur les énergies renouvelables. Les ÉtatsUnis sont en train de prendre des décisions mais ne sont pas les plus fiables puisque tout peut s’arrêter à chaque nouvelle élection. La Chine revient de très loin et elle a encore beaucoup de retard à rattraper, mais elle avance rapidement car elle sait que sa population ne pourra pas supporter la pollution encore très longtemps. Et enfin, l’Europe souhaite mettre en place le Green Deal (l’accord vert), un plan économique continental destiné à protéger l’environnement. Je suis très heureux des partenariats que nous avons développés dans ce domaine avec les Régions Grand-Est et Île-de-France. Mais la plupart des pays en sont toujours au stade des déclarations et on attend de voir ce qu’ils vont vraiment faire. Il y a des intentions, mais encore trop peu de connaissances pour y arriver et c’est justement pour ça que la Fondation Solar Impulse leur sera très utile.
IL FAUT EN FINIR AVEC LE GASPILLAGE DES RESSOURCES, DE L’ÉNERGIE OU DE LA NOURRITURE