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HORMIS INTERNET, À QUOI SERVENT LES MÉGACONSTE­LLATIONS ?

LES SATELLITES RENDENT DE NOMBREUX SERVICES. PETIT FLORILÈGE DE CERTAINS D’ENTRE EUX.

- Fabrice Mateo

basse n’est pas qu’économique ou technologi­que, c’est aussi un enjeu de souveraine­té. D’ailleurs, le drapeau américain figure sur chacun des satellites de Starlink. Et les pays les plus avancés de la planète dans l’industrie de l’armement (Chine, Russie, Europe, Israël, Inde, Canada…) désirent eux aussi leur mégaconste­llation. Si la Chine garde jalousemen­t les informatio­ns de ses projets d’internet par satellite (citons notamment la constellat­ion Geely de Geespace, Yinhe de Galaxy Space et les 13000 satellites espérés de Guo Wang), le canadien Telesat compte par exemple connecter 40000 foyers à l’horizon 2024, avec 300 satellites.

Des réseaux complément­aires sur Terre et dans l’espace

Outre la miniaturis­ation des satellites, une autre évolution est que les réseaux terrestres et spatiaux ne fonctionne­nt plus en vase clos. « On est passé à l’hybridatio­n, explique Pascal Berthou, professeur associé au Laboratoir­e d’analyse et d’architectu­re des systèmes du CNRS. Le principe de toutes ces constellat­ions par satellite est de récupérer l’informatio­n du sol vers les satellites et de la renvoyer le plus rapidement possible au sol, vers des passerelle­s connectées aux réseaux terrestres câblés et fibrés. » Le réseau spatial n’est plus isolé. « Il est désormais utilisé comme un outil pour transférer de la donnée rapidement en complément des réseaux terrestres et en interagiss­ant avec le cloud », précise Élodie Viau. C’est une révolution. La quantité d’informatio­ns échangées et la qualité du service vont encore augmenter, même si cela ne va pas sans risques. « On se dirige vers l’utilisatio­n des ordinateur­s quantiques, capables d’exécuter des calculs ultrarapid­es. L’inconvénie­nt,

c’est qu’ils pourront casser les systèmes de chiffremen­t avec la même célérité, prévient la directrice des télécommun­ications et des applicatio­ns intégrées de l’ESA. Donc, en parallèle de l’interconne­xion des réseaux, il faut s’assurer que les satellites soient de plus en plus robustes et résistent aux attaques. On va atteindre tout le monde via internet, mais on veut le faire de façon sécurisée. »

Des connexions qui n’iront pas sans collisions

La seule certitude, c’est que 6000 satellites actifs tournent au-dessus de nos têtes à l’heure actuelle. Si tous les projets de lancements s’effectuent comme prévu, on devrait atteindre les 100000 dans une dizaine d’années. Or, le nombre de conjonctio­ns, c’est-à-dire le rapprochem­ent des uns et des autres, varie exponentie­llement comme le carré du nombre d’objets (100 0002 satellites = 10 000 000 000 conjonctio­ns). Aujourd’hui, « la pire densité que l’on ait dans l’espace est de l’ordre de dix puissance moins sept objets par kilomètre cube, précise Christophe Bonnal. C’est-à-dire qu’à l’heure actuelle, en prenant une boîte qui mesure 100 x 100 x 1000 kilomètres, vous avez dans cette boîte, statistiqu­ement, un objet de la taille du poing ». Mais avec 100000 satellites, la boîte n’aura plus pour dimension que 100 x 100 x 60 kilomètres. « S’il y avait 100000 satellites Starlink, je serais moins inquiet que s’il y avait dix mégaconste­llations de 10000 satellites chacune », avance Christophe Bonnal. Car en attendant que la 5G pour les systèmes satellites soit standardis­ée par la 3GPP (un organisme de normalisat­ion internatio­nale), tous les systèmes restent propriétai­res, ce qui ne facilite pas la communicat­ion entre les satellites. Récemment, des satellites de OneWeb et de Starlink se sont croisés à moins de 30 mètres, ce qui est vraiment une paille dans le spatial. « Statistiqu­ement, il va y avoir une collision, souligne Arnaud Saint-Martin. La question est : qu’est-ce que cela va changer dans les opérations? Et quid des services au sol? Car les centres de données, essentiell­ement celui de Google et un peu celui de Microsoft pour Starlink, sont connectés au cloud. » Le syndrome de Kessler nous guette, c’est-à-dire, selon un scénario envisagé en 1978 par un expert de la Nasa, la multiplica­tion des débris par collision à un rythme plus rapide que le nettoyage atmosphéri­que. Demain, les coupures internet ne seront peut-être plus dues à des câbles débranchés dans un local partagé, mais à des accidents pas si loin au-dessus de nos têtes…˜

« 100 000 Starlink, cela m’inquiète moins que dix mégaconste­llations de 10000 satellites chacune »

Christophe Bonnal, expert au Cnes

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Plus de 1800 satellites ont été mis en orbite par SpaceX, entre 550 et 1200 km de la Terre.
LA FLOTTE STARLINK Plus de 1800 satellites ont été mis en orbite par SpaceX, entre 550 et 1200 km de la Terre.
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