COMME UN AIR DE DEJA-VU ?
Àquoi ressemblera l’internet de demain? À cette question, le patron d’une célèbre entreprise au logo bleu répond qu’il sera… en trois dimensions. Et manifestement, notre homme y croit dur comme fer. Pour preuve, cette annonce, début novembre, d’un investissement de dix millions de dollars au cours des douze prochains mois et la mobilisation de 1500 ingénieurs pour accélérer son développement. Mais aussi ces quelque 3000 salariés envoyés dans l’ébauche de ce méta-univers, aux commandes de leur avatar, pour commencer à y faire des affaires. Parce que le dirigeant l’affirme, il ne faut pas se laisser abuser par « la frivolité de certaines utilisations initiales » de l’internet 3D. Autrement dit, par ses îles aux décors de manga, ses jeux de rôle, ses casinos, ses sex-shops, ses nombreuses backrooms… Non, les mondes virtuels tridimensionnels seront, nous promet-il, « la prochaine étape de l’évolution de l’internet ». D’ailleurs, il n’hésite pas à leur prédire « le même niveau d’impact » que la première explosion du web, dans les années 1990.
Et visiblement,
il n’est pas seul à le croire. Pour preuve, Microsoft a entrepris d’y recruter de futurs collaborateurs, Intel d’y réunir ses ingénieurs, Dell d’y accueillir ses clients, Peugeot d’y présenter son dernier concept car, Dior d’y dévoiler sa nouvelle collection de bijoux, American Apparel d’y ouvrir une boutique, l’architecte français Jean-Pierre Houdin d’y exposer sa théorie sur la construction de la pyramide de Khéops, l’Orchestre philharmonique royal de Liverpool d’y donner des concerts, tout comme le groupe de rock britannique Duran Duran… Bref, autant d’exemples qui attestent de l’engouement général pour les métavers. Un engouement tel, d’ailleurs, qu’on ne voit pas trop comment, du moins pour le moment, il pourrait retomber. D’autant moins que 4,6 millions d’internautes dans le monde, dont quelque 150000 Français, ont d’ores et déjà créé leur propre avatar pour s’offrir une seconde vie parallèle, quasi déconnectée de la réalité.
Et pourtant…
l’entreprise au logo bleu n’est pas Facebook mais IBM. Son patron n’est pas Mark Zuckerberg mais Sam Palmisano. Nous ne sommes pas en 2022 mais en 2006. Le monde virtuel en question n’est pas Metaverse mais Second Life, lancé en 2003 par la start-up californienne Linden Lab. Et ce monde, après avoir connu trois années de gloire, va finalement se retrouver déserté. À partir de 2010, ses créateurs cesseront d’ailleurs de communiquer son nombre d’utilisateurs encore actifs. Alors que Zuck voit dans son Metaverse « le successeur de l’internet mobile », l’histoire ne serait-elle pas en train de se répéter ? Et si, en définitive, la réalité virtuelle n’était pas près d’envahir durablement notre quotidien? En l’espace de quinze ans, cependant, les technologies ont évolué. Les casques VR sont aujourd’hui à la fois plus accessibles et beaucoup plus perfectionnés. Surtout, la réalité virtuelle n’est plus réservée aux jeux vidéo, elle se prête désormais à de nombreux autres usages, cette fois vraiment prometteurs. C’est ce que nous voulons vous faire découvrir dans ce numéro. Sans présumer de l’avenir.