Des stages pour faire réfléchir les clients
« 20 Minutes » a pu assister à un stage visant à sensibiliser les clients pris sur le vif
lls sont jeunes, vieux, fatigués ou rasés de près. Mais tous ont dans le regard cette même honte au moment de pénétrer dans les locaux de l’Association pour le contrôle judiciaire, à Courcouronnes (Essonne). Ces cinq hommes y sont convoqués pour avoir été interpellés alors qu’ils fréquentaient des prostituées, en bordure de la forêt de Sénart. Comme le prévoit la loi d’avril 2016, ils ont été dispensés de payer une contravention pouvant s’élever jusqu’à 1 500 €, à condition de suivre un « stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels ». « On n’est pas ici pour vous juger », attaque d’emblée François Roques, le directeur de l’association. Non, la formation vise à expliquer. Que 35 000 femmes se prostituent en France aujourd’hui. Qu’aucune n’a choisi cette voie par « vocation ». Et qu’il est désormais illégal de recourir à leurs services. Le stage s’ouvre d’ailleurs par un cours accéléré de droit. Mais les élèves du jour sont dissipés. Et préfèrent pianoter sur leur smartphone, regarder la pluie tomber, voire, carrément, dormir.
« Une erreur judiciaire »
Ce n’est qu’au bout d’une heure que le plus âgé du groupe, 67 ans, brise la glace pour parler « d’injustice ». A sa manière… « Nous, on s’est fait attraper. Mais pourquoi il n’y a pas de contrôle sur les Grands Boulevards, à Paris? Parce que là-bas, ce sont les politiques qui vont aux putes! » Un autre avance, lui, que son arrestation est « une erreur judiciaire ». Deux chaises plus loin, le dormeur sort de sa léthargie pour expliquer qu’il est, en fait, tombé en panne de voiture à cet endroit-là et qu’une prostituée lui a demandé du feu. « Alors que je ne fume même pas ! » François Roques fait alors défiler les chiffres marquants, issus de toutes les études sur le sujet. L’âge moyen d’entrée dans la prostitution? 14 ans. L’espérance de vie d’une prostituée ? 40 ans. Le nombre de passes, en moyenne, par jour ? 30. « Et jusqu’à 80 dans les “maisons d’abattage” ! » L’auditoire relève enfin le nez. Mais la pause confirme l’ampleur de la tâche. « Je fais ce stage, mais ça change rien pour moi, grommelle un participant jusqu’ici taiseux, tout en roulant une cigarette. Je perds une demi-journée de travail. J’aurais préféré payer l’amende. De toute façon, c’est comme les vignettes automobiles : c’est juste pour nous faire payer! » « Faut-il faire différemment? s’interroge François Roques. Je ne sais pas. Je pense que nous en avons quand même convaincu un sur les cinq. » En l’occurrence le seul qui n’a pas demandé en partant s’il était désormais « fiché » pour être allé voir une prostituée.