Garde altérée
Une proposition de loi visant à généraliser la résidence alternée lors d’une séparation est débattue à l’Assemblée. Celle-ci divise, notamment dans les cas de violences conjugales.
«J’ai accepté la résidence alternée devant le juge car je n’en pouvais plus, se souvient Florence, mère de deux enfants et victime de violences de la part de leur père au moment de la question de la garde des enfants. Il m’appelait soixante fois par jour pour obtenir ce mode de garde. » Aujourd’hui, l’Assemblée débat de la généralisation de la garde alternée. La proposition de loi déposée le 17 octobre par le député MoDem Philippe Latombe vise à renforcer « l’égalité parentale ». Pour les associations d’aide aux victimes de violences conjugales, cette modification de la législation représente un « vrai danger ». Isabelle Steyer, avocate au barreau de Paris, a rencontré plusieurs de ces femmes. « La garde alternée – une semaine chez papa, une semaine chez maman – est un puissant outil de contrôle, précise l’avocate. Elle permet au conjoint violent de demander des comptes sur le choix de l’école ou le menu des repas. » Ce mode de garde suppose aussi que les ex-conjoints habitent à proximité l’un de l’autre. « Alors même que ces femmes victimes parviennent à quitter [leur conjoint violent] pour s’en éloigner, il va s’installer en face », poursuit Me Steyer.
Les familles pourront déroger à la résidence alternée « à titre exceptionnel ».
Si le texte de la proposition de loi n’a pas de « caractère obligatoire » et laisse le juge fixer les conditions de ce mode de garde, il ne dit pas clairement qu’il sera exclu en cas de violences conjugales. Les familles pourront déroger à la résidence alternée « à titre exceptionnel ». Au-delà de son application, les associations dénoncent une proposition qui va à l’encontre de la réalité actuelle. Selon les chiffres publiés en 2013 par le ministère de la Justice, si 18,8 % des pères font la demande de résidence alternée, ils l’obtiennent à 17,3 %. « Quel est le sens de cette loi sinon de légiférer pour 1,5 % des pères qui n’obtiennent pas le mode de garde souhaité? » interroge Ernestine Ronai, coprésidente de la commission « Lutte contre les violences de genre » au sein du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Quant aux garanties avancées par l’élu à l’origine de la proposition de loi, les associations n’y croient pas. « Dans la pratique, les mères victimes de violences disposent rarement de preuves flagrantes. »