Annuler un vote, une décision complexe
Lorsque le Conseil constitutionnel invalide un scrutin, sa décision est irrévocable
Il devrait bientôt en venir à bout. Au total, le Conseil constitutionnel a reçu 297 requêtes contestant les résultats des législatives de juin 2017. Ses prochaines décisions sont attendues ce vendredi. Elles concernent quatre circonscriptions, dont celle du député des Français de l’étranger, M’jid El Guerrab, banni d’En marche ! après avoir été mis en examen pour violences volontaires en septembre. Jusqu’à présent, si les juges ont constaté de nombreuses irrégularités et annulé des voix, ils n’ont invalidé que cinq scrutins. Comme celui de Belfort, où l’équipe de l’ex-député LR Ian Boucard a fait distribuer plus de 10 000 faux tracts laissant croire que La France insoumise et le Front national appelaient à voter pour sa candidature contre celle d’En Marche. L’élection de Manuel Valls dans l’Essonne a, elle, été validée, même si 66 votes ont été écartés en raison « des différences de signature significatives » entre le premier et le second tour. « Une élection n’est annulée que lorsque les irrégularités ont un effet sur le résultat final », note Romain Rambaud, professeur de droit public à l’université Grenoble Alpes. « On ne peut pas sanctionner les manoeuvres frauduleuses, car, même lorsqu’une fraude est reconnue, il est très difficile de prouver qui en est à l’origine. On essaie toujours de se rattacher à la sincérité du scrutin. »
Instruction approfondie
Annuler le suffrage universel ne se fait pas à la légère, prévient pour sa part l’institution. « Les décisions du Conseil s’appliquent immédiatement et aucun recours n’est permis. Dès la prononciation de l’annulation, le ministère de l’Intérieur doit organiser une nouvelle élection dans un délai de trois mois. » A chaque fois, une instruction approfondie et contradictoire est menée. Les dix juges cherchent à savoir quelle infraction a pu avoir des conséquences sur le cours du scrutin. Le service juridique récupère les éléments dont il a besoin, comme les listes d’émargement, et peut auditionner les différentes parties avant de prendre sa décision. Dans le Territoire de Belfort, ce sont donc des faux tracts qui ont fait tomber l’élection législative, dans le Loiret, c’est un post Facebook d’un candidat pendant la période de réserve électorale. Les irrégularités sont-elles inhérentes aux scrutins ? Pour Léo, ex-assesseur à Paris, elles découlent d’« erreurs humaines » : des erreurs de noms, l’électeur qui signe dans la mauvaise case, parce que la règle a sauté… « On n’est pas des machines, heureusement ! Car une machine pourrait être truquée. »