La mort, passage nécessaire, mais pas sans risque
L’enjeu narratif peut se résumer à la disparition d’un personnage
Et un de plus! Un autre héros de « The Walking Dead » est mort dimanche, lors du retour de la saison 8. Une surprise? Pas trop, non, puisque tuer ses personnages les uns après les autres est devenu quasiment l’unique manière d’exister de la série. Elle n’est toutefois pas la seule à user (et abuser) de ce ressort narratif : « Game of Thrones » ou encore « Urgences » et « Grey’s Anatomy » affichent elles aussi un taux de mortalité record. Les années 1980 ont vu des séries comme « Hôpital St Elsewhere » jouer avec la disparition de leurs personnages, mais « selon une logique narrative, et non contractuelle », indique Vladimir Lifschutz, auteur de This is the
end – Finir une série (Presses universitaires François-Rabelais). Plus tard, « la mort d’un personnage est devenue simple, pragmatique. Elle était due au départ d’un acteur qui n’avait pas forcément envie de s’éterniser à la télévision et souhaitait basculer vers le cinéma pour y faire carrière. » Mais elle était aussi l’occasion pour les auteurs de créer de l’émotion, et donc un lien très fort avec le spectateur. Le mort peut d’ailleurs continuer à exister dans la série, à travers les autres personnages. C’est tout l’enjeu autour de Jack dans « This Is Us », et l’une des raisons de son succès.
Un manque de créativité ?
« Avant, le contrat tacite entre la série et le public était plutôt rassurant : “Viens te mettre au chaud devant la télé et retrouver tes héros chaque semaine”, éclaire Vladimir Lifschutz. Mais il a évolué : avec la multiplication des chaînes et des supports de diffusion, il faut que les séries se démarquent et créent toujours la surprise. » Jusqu’à l’excès, l’artifice ? « “The Walking Dead” semble avoir rompu l’équilibre, lance l’auteur de This
is the end - Finir une série. Les mises à mort se répètent à l’infini, leur mise en scène aussi, avec un surgissement de la violence, une volonté de choquer. On peut y voir un manque de créativité, mais, surtout, le spectateur n’a pas le temps de faire son deuil. » On se souvient tous du massacre de Negan, et de son suspense morbide, en début de saison 7. Les auteurs ont peut-être entendu la colère et la frustration des fans, car l’épisode de dimanche – ATTENTION SPOILER – portait moins sur le décès de Carl que sur ses adieux. « La mort par morsure implique un temps de flottement, de transformation, et de deuil pour les autres personnages et pour les spectateurs », explique Vladimir Lifschutz. Ce n’est pas un hasard si la fin d’une série marque aussi souvent celle de son héros : « C’est à la fois l’émotion à son paroxysme, et l’occasion de faire le deuil de la série et de son univers. D’ailleurs, les héros peuvent “partir”, soit mourir, mais aussi partir, géographiquement. La série amène le spectateur à faire sa catharsis, et à passer à autre chose. » A une autre série?