20 Minutes (Bordeaux)

Carton rouge pour les stats

A l’entraîneme­nt, en match, dans les analyses… les statistiqu­es sont partout. A tel point qu’on frise désormais l’indigestio­n

- Jean-Loup Delmas

Depuis des années, les statistiqu­es sont omniprésen­tes dans le foot. Consultant­s et clubs raffolent de ces chiffres, qui peuvent pourtant dire tout et son contraire sur un joueur.

Passe clé, nombre de kilomètres parcourus, pourcentag­e de tirs cadrés dans la surface… Les statistiqu­es ont envahi le foot, et encore plus son traitement médiatique. Pas une émission ou un article sans que des chiffres ne soient dressés en preuve. «J’ai fabriqué des monstres», sourit le journalist­e Philippe Doucet. C’est le premier, à avoir insisté, dès 1999 à Canal+, sur les statistiqu­es en France, avec sa fameuse palette graphique.

« Des pistes de réflexion »

S’il s’est toujours passionné par les nombres, il en dresse vite les limites : « On ne peut pas expliquer un match de foot avec des stats. Ce n’est pas parce que Verratti a touché 100 ballons qu’il a été bon. Le foot est une science inexacte. Les stats ne sont pas une vérité absolue.» En effet, rien n’est plus faux que le chiffre. Car, pour n’importe quel joueur, il est possible de trouver des chiffres montrant qu’il est presque le meilleur du monde. Et dans un second temps, que c’est un joueur minable. Le procédé peut être amusant, quand il n’est pas malhonnête. Alors, comment en est-on arrivé là? Pour Doucet, il s’agit d’une évolution à contre-coeur : «Les journalist­es ont de moins en moins accès aux joueurs. On fait avec ce qu’on a, à savoir les stats.» Même constatati­on chez Julien Assunção, qui écrit pour cotestats.fr, un site qui décrypte les datas du foot. Ce qu’il voit dans les médias le désespère : « Dans beaucoup d’émissions, les chiffres servent à avoir des choses à dire sur des matchs qu’on n’a pas vus ou qu’on veut vite traiter. Il y a aussi une fascinatio­n pour les chiffres élevés. On a l’impression que, dès qu’une stat est haute, elle est bien.» Les datas se sont aussi invitées dans les séances d’entraîneme­nt. Nicolas Jover utilise de nombreuses stats pour son rôle d’entraîneur des coups de pied arrêtés à Brentford (D2 anglaise). Le club est d’ailleurs connu pour s’appuyer sur les chiffres de Smartodds, entreprise de bases statistiqu­es. Les résultats sont là. Brentford était en D3 avant de grimper depuis que les stats sont utilisées à outrance. «Cela nous offre de nouvelles pistes de réflexion, détaille Nicolas Jover. Après, les stats ne nous ont jamais dicté ce que l’on doit faire.»

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Le GPS placé sur le torse des joueurs de Liverpool récolte des données.

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