Politique
Macron mène une opération séduction avec les maires
C’est l’une des nouveautés du remaniement de mardi : l’arrivée de Jacqueline Gourault à la tête d’un grand ministère des Territoires (l’exsénatrice MoDem sera épaulée par Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales, et Julien Denormandie, pour la ville et le logement). Le soir, dans son allocution télévisée, Emmanuel Macron a dit vouloir «s’appuyer [sur] les élus locaux. Et en particulier nos maires, les premiers porteurs de la République du quotidien.» Mais pourquoi met-il autant l’accent sur les collectivités territoriales ? Entre les deux, les rapports sont tendus depuis plusieurs mois. Les collectivités reprochent à l’exécutif nombre de décisions : les coupes dans les emplois aidés, la suppression de la taxe d’habitation sans compensation clairement définie, la limitation de la vitesse autorisée à 80 km/h sur les routes secondaires… «Emmanuel Macron était conscient que le dialogue était difficile, il fallait une dynamique, et ce ministère montre qu’il s’agit d’une priorité », affirme le lobbyiste Thierry Coste, qui conseille le président sur la ruralité. « Jacqueline Gourault est expérimentée, pragmatique, elle est capable de résister aux pressions. Avec deux jeunes ministres, je prends le pari que le dialogue va se renouer, même avec les élus qui râlent. » En juillet, l’Association des maires de France (AMF), l’Assemblée des départements (ADF) et les régions avaient boycotté la Conférence nationale des territoires (CNT), organisée par l’exécutif. Ce nouveau ministère peut-il changer la donne? «On y voit un signe de bonne volonté, mais le président n’a rien dit sur les politiques mises en oeuvres, relève Philippe Laurent, maire UDI de Sceaux. La taxe d’habitation, par quoi on la remplace ? Ça reste pour les maires une grande source d’inquiétude. » Emmanuel Macron tente aussi de soigner ses relations avec les élus locaux à l’approche des municipales de 2020. Peu ancrée sur le territoire, la jeune République en marche cherche à séduire des élus LR et PS. «Il y a un boulot énorme, car LREM n’a pas de réseaux d’élus», reconnaissait François Patriat, sénateur proche du président, cet été.
«Cette stratégie révèle une profonde méconnaissance des municipales, dénonce Damien Abad, le vice-président LR. En France, on vote souvent plus pour un homme que pour une étiquette. Gérard Collomb l’a d’ailleurs très bien dit.» Peu après sa démission, sur LCI, l’ex-ministre de l’Intérieur avait refusé de se présenter à Lyon sous l’étiquette En marche ! en 2020. « Ça n’a pas de sens de rassembler simplement sur un parti.»
Laure Cometti et Thibaut Le Gal
Les collectivités reprochent, entre autres, les coupes dans les emplois aidés.