La reconnaissance faciale montre un visage inquiétant
La reconnaissance faciale, en progrès constant, pourrait bientôt prédire nos comportements
A regarder la Chine, on a un bon aperçu de la tête que pourrait avoir le monde de demain. Avec le « crédit social » qui repose sur la reconnaissance faciale, des municipalités chinoises distribuent les bons et les mauvais points aux habitants en fonction de leur comportement. De leur côté, les Gafa [Google, Apple, Facebook, Amazon] se sont lancés dans la course, aidés par les progrès de l’intelligence artificielle et des bases de données gigantesques. En France, la région Paca veut expérimenter la reconnaissance automatique des visages des élèves par biométrie à l’entrée de deux lycées à Nice et à Marseille. Ne vous affolez pas tout de suite. Si la technologie a fait des progrès, elle reste imparfaite et il est encore difficile d’évaluer son efficacité. «Il n’existe pas de taux de performances général, insiste Laurence Devillers, professeure en intelligence artificielle au LimsiCNRS. Quand on prend des personnes blanches qui sont en plan américain devant une caméra, on a un bon taux.» Mais des biais persistent. Avec des personnes ridées ou non blanches, ce n’est déjà plus la même histoire. On ne sait pas encore comment évaluer de façon robuste ces systèmes.
Un usage sécuritaire
La reconnaissance faciale s’est améliorée grâce aux progrès des capteurs de l’intelligence artificielle, et grâce à la disponibilité de bases de données pour entraîner les algorithmes. La Chine a l’avantage des données et moins de restrictions pour les exploiter. Les Gafa disposent des plus grandes bases pour entraîner leurs algorithmes. Aujourd’hui, même lorsque les conditions sont difficiles (éclairage, angle, visage caché), les dispositifs font de moins en moins d’erreurs. « Dans certains cas, les machines commencent même à dépasser les capacités humaines, pointe JeanLuc Dugelay, professeur à Eurecom Sophia-Antipolis. Par exemple, on a montré que l’IA estimait mieux l’âge d’une personne qu’un humain.» En 2018, Gérard Collomb, alors ministre de l’Intérieur, a proposé d’utiliser des caméras intelligentes – qui reposent sur des techniques de reconnaissance d’images – pour repérer des gens susceptibles de commettre des délits. « En tant qu’humain, on peut définir si une personne est souriante ou de mauvaise humeur. Les machines peuvent faire la même chose grâce aux bases annotées», poursuit le chercheur. En gros, on montre à l’intelligence artificielle un très grand nombre de photos ou d’extraits vidéo et, à chaque fois, on lui indique de quelle émotion il s’agit. Elle devient alors capable d’identifier cette émotion.
La Chine est le précurseur. « Il y a des dérives évidentes, poursuit Laurence Devillers, comme l’interdiction à des personnes de prendre l’avion ou à des enfants de faire des études… » Mais la reconnaissance faciale peut également diagnostiquer des maladies graves. Tout dépend de l’usage qui en est fait, donc.