Une enquête inédite lancée dans la police après la tuerie à la préfecture de Paris
C’est la première fois que les policiers doivent travailler sur un cas de terrorisme interne
De mémoire de policiers, l’affaire est inédite. Jamais l’un d’eux n’avait été soupçonné d’avoir perpétré une attaque terroriste. Jusqu’à jeudi. Dans l’enceinte même de la préfecture de police de Paris, Mickaël Harpon, 45 ans, a tué quatre fonctionnaires* et grièvement blessé un cinquième avant d’être abattu. Certes, le suspect n’appartenait pas précisément aux forces de l’ordre, mais travaillait depuis quinze ans en tant qu’informaticien au sein de la direction du renseignement parisien (DRPP). Enquête-t-on de la même manière lorsque le principal suspect est de la « maison » ?
«S’il y a eu des flottements, ce n’est qu’en matière de communication, assure une source proche de l’enquête. L’enquête, elle, se déroule exactement comme n’importe quelle enquête de ce type.» Ainsi, quelques heures à peine après la tuerie, la femme du suspect était placée en garde à vue et son domicile, perquisitionné. Ses relevés téléphoniques ont été épluchés, son entourage, passé au crible. Comme dans tous les dossiers terroristes, en somme. « On oublie que [l’assaillant] a fait partie de la maison, on voit ses actes, pas le rôle qu’il a occupé», insiste-t-on.
Trois services mobilisés
Une centaine de témoins ont également été auditionnées, à commencer par la hiérarchie de Mickaël Harpon, soupçonnée d’avoir minimisé les signes de radicalisation. «Ceux qui nous accusent de vouloir protéger sa hiérarchie ne savent pas que des magistrats instructeurs supervisent l’enquête et qu’on ne fait donc pas ce qu’on veut», se défend une source policière. D’autant que, dans cette enquête, les investigations ont été confiées à trois services spécialisés, l’un rattaché à la préfecture de police, les deux autres étant la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) et la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Quid de l’inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices? «Dans ce type d’affaires, il faut une technicité que n’ont que des enquêteurs qui ont l’habitude de travailler sur cette matière, poursuit cette source. C’est comme un chirurgien qui n’opère jamais : il oublie la technique et n’est plus bon. Ici, c’est pareil : il faut avoir travaillé sur d’autres associations de malfaiteurs terroristes pour faire tenir la qualification. »
Reste l’une des principales difficultés de cette enquête : Mickaël Harpon était habilité «secret défense» et avait donc accès à des dossiers hautement confidentiels. Or, une partie des enquêteurs n’a pas cette habilitation et ne peut donc pas consulter ces documents. «C’est ce qui pourrait ralentir le travail d’enquête, on doit vérifier s’il s’est ou non servi de ses accès pour ses activités terroristes.» La responsabilité de lever le secret défense revient à une commission, procédure rare et très encadrée. * La Légion d’honneur doit leur être remise ce mardi. Ce sera le cas ultérieurement pour le gardien de la paix qui a neutralisé l’assaillant.