Des experts sans certitude
L’enregistrement du dernier appel de la jeune banquière a été décortiqué mercredi
C’est la pièce sur laquelle repose toute l’accusation : l’enregistrement de l’appel aux pompiers passé par Elodie Kulik le 11 janvier 2002, à 0h22. Lorsque l’opératrice décroche, elle tombe sur une jeune femme paniquée, qui ne cesse de pousser des cris, de ceux qui glacent le sang. Ses hurlements recouvrent des voix masculines difficilement audibles. Au bout de vingt-six secondes, la jeune femme raccroche. Le lendemain, son corps mutilé et en partie carbonisé est découvert par un ouvrier agricole à Tertry (Somme), à 7 km environ de l’endroit où son véhicule a été retrouvé accidenté, sur la D44. Lorsque cet enregistrement a été diffusé, mercredi, l’émotion a envahi la cour d’assises de la Somme, à Amiens. Les jurés, équipés de casques, l’ont ensuite écouté plusieurs fois. Dans quelques jours, ils devront répondre à LA question : est-ce bien la voix de Willy Bardon que l’on distingue derrière celle de la victime ? Si c’est oui, cela signifie qu’ils estiment que l’accusé, jugé depuis une semaine, est impliqué dans la mort de la jeune directrice de banque. Si c’est non, cela veut dire qu’il n’y a plus d’éléments dans le dossier prouvant qu’il était sur les lieux. Car, comme le rappellent ses avocats, son ADN n’a pas été retrouvé sur les lieux et son téléphone n’a pas borné dans le secteur cette nuit-là. Il pourrait alors être acquitté.
Au regard des enjeux, la venue des experts qui ont décortiqué l’enregistrement était très attendue par la cour d’assises. Mais tous ont indiqué d’entrée de jeu que l’enregistrement était de trop mauvaise qualité pour être analysé correctement. Ils ont néanmoins émis quelques hypothèses : les agresseurs d’Elodie Kulik avaient entre 20 et 35 ans. L’un aurait un accent de banlieue. Ou du nord de la France. S’agit-il des voix de Grégory Wiart, dont le sperme a été retrouvé dans un préservatif découvert sur la scène de crime, et de Willy Bardon?
Pour Christophe S., ingénieur audio au sein du service central de la police technique et scientifique, il est peu probable qu’il s’agisse de celle de l’accusé. Pour Arnaud T., ancien gendarme de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, l’enregistrement est trop mauvais pour obtenir «un résultat scientifique» probant et comparer les voix avec celle de l’accusé. Les experts sont donc incapables d’affirmer de façon certaine qu’il s’agit de la voix de Willy Bardon. Mais plusieurs de ses proches ont assuré aux enquêteurs, puis aux juges d’instruction, l’avoir reconnue. Pour autant, selon Jean-François Bonastre, professeur à l’université d’Avignon cité en qualité de témoin par la défense, «il n’y a jamais eu de travaux qui ont montré que l’être humain est capable de reconnaître la voix, que ce soit à l’oreille » ou avec un ordinateur. «Le dossier ne tient pas sur des expertises judiciaires, qui ne feront pas la conviction de la cour d’assises», a affirmé Didier Seban, l’avocat des parties civiles. Le verdict est annoncé pour le 6 décembre.