Comment Philippe a réussi à rouvrir les négociations ?
Le retrait de l’âge pivot du projet de loi permet à l’exécutif d’afficher une ouverture à peu de frais
Trois mots auraient-ils débloqué la crise? Samedi, au 38e jour de grève, Edouard Philippe a proposé de «retirer du projet de loi la mesure (…) consistant à converger progressivement à partir de 2022 vers un âge d’équilibre de 64 ans en 2027». Une mesure vue favorablement par la CFDT, la CFTC et l’Unsa. Pourtant, « il n’y a pas grand-chose qui a changé, rien n’est abandonné sur le projet», reconnaît Erwan Balanant, député (Modem) du Finistère. Un recul d’autant plus tactique que le gouvernement maintient le principe d’un âge pivot qui s’appliquera dès 2037.
De mauvais souvenirs
Ce demi-retrait est conditionné aux solutions financières que les partenaires sociaux devront trouver lors de la conférence de financement (lire ci-contre). Le Premier ministre leur laisse trois mois pour proposer des pistes garantissant l’équilibre financier du système des retraites. Le gouvernement chiffrait à 12 milliards d’euros le montant des économies accumulées en 2027, si l’âge pivot était mis en place dès 2022. Si aucune solution n’est trouvée, l’exécutif «prendra par ordonnance les mesures nécessaires pour atteindre l’équilibre d’ici à 2027», menaçait Edouard Philippe dans son courrier aux syndicats. Le gouvernement n’a pas écarté le rétablissement de l’âge pivot dès 2022. « Il a déjà exclu de toucher aux cotisations patronales, de toucher à l’argent de la Cades [Caisse d’amortissement de la dette sociale], de toucher aux revenus du capital, détaille Olivier Faure, patron du PS. Qu’est-ce qui reste? En janvier, l’âge pivot disparaît, mais en avril il reviendra. »
Un scénario qui rappelle de mauvais souvenirs aux syndicats. «Il refait le coup de l’Assurance-chômage, a réagi la CGT. Au final, c’est le gouvernement qui décidera. » En septembre 2018, le gouvernement avait en effet demandé aux organisations syndicales et patronales de trouver entre elles un accord sur l’Assurance-chômage pour notamment dégager plus de trois milliards d’euros d’économies sur trois ans. Aucun consensus n’ayant émergé, il avait repris la main et imposé un durcissement des règles d’indemnisation, qualifié de «tuerie» par la CFDT.
«Bien sûr que tout le monde a été échaudé par cet épisode, reconnaît Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques. Mais il faut tenter, et être encore plus exigeants qu’avant, sans être naïfs. Même en cas d’échec des discussions, Edouard Philippe s’inspirera de ce qui a pu y émerger comme solutions alternatives à l’âge pivot.»