L’élection en poing de mire
Face aux manifestations après la mort de George Floyd, Donald Trump adopte un discours martial et joue sur la peur des futurs électeurs.
Pour sa première prise de parole officielle depuis le début des manifestations qui ont suivi la mort de George Floyd, le 25 mai, Donald Trump a décidé de partir en croisade, lundi à Washington. L’hommage à la victime ? Expédié en trois phrases, pour mieux se concentrer sur les émeutiers, « ces terroristes intérieurs », à qui il promet la potence ou presque. Les gouverneurs, enguirlandés un peu plus tôt (« Si vous ne les dominez pas, vous passerez pour une bande d’abrutis »), en prennent aussi pour leur grade. « Je suis prêt à déployer l’armée américaine si une ville ou un Etat refuse de prendre les dispositions nécessaires pour protéger ses concitoyens ».
Une base d’électeurs solide
« Même si la menace de brandir l’Insurrection Act [qui autorise l’armée à intervenir sur le territoire national] est virtuelle, puisque les gouverneurs n’en veulent pas, et que la situation semble se calmer un peu, on a l’impression que Trump repousse toutes les normes de l’acceptable dans une démocratie », explique Romain Huret, historien des Etats-Unis et directeur d’études à l’EHESS.
Le milliardaire républicain est-il en train de ficher en l’air ses chances d’être réélu en novembre, après avoir donné une piètre image dans la gestion du Covid-19 ? « En faisant le choix de ne parler que des émeutes et pas de l’écrasante majorité des manifestations pacifistes qui montrent qu’on est loin de l’insurrection, il fait le pari d’amener la fameuse majorité silencieuse apeurée à voter pour lui, analyse Jean-Eric Branaa, maître de conférences à Paris-2 et auteur d’Et s’il gagnait encore ? [éd. VA Press]. Parce qu’en ce qui concerne sa base, il n’a rien à craindre. » Soit 45 % d’Américains qui le suivront. Du sort de la communauté noire, il n’en parle guère depuis son arrivée au pouvoir, puisque cela ne lui rapporterait pas grand-chose dans les urnes. Lors de la dernière élection, 92% des Afro-Américains avaient choisi Hillary Clinton.