Des soignants sceptiques face à leur vaccination
La vaccination prioritaire des soignants est recommandée. Encore faut-il qu’ils l’acceptent
« Me faire vacciner ? Non, je vais attendre et laisser les autres servir de cobayes», prévient Morgane, 27 ans, infirmière en Ehpad, qui a répondu à notre appel à témoignages. Jeudi, le gouvernement a précisé la stratégie de vaccination, qui devrait commencer dès janvier. Les résidents et les professionnels de santé volontaires des Ehpad les plus âgés et ceux souffrant de comorbidités feront partie de la première phase du plan.
Mais un travail de pédagogie risque d’être nécessaire pour que les soignants soient d’accord. Lucas, kinésithérapeute de 25 ans, «ne souhaite pas être vacciné.
La rapidité de la mise en place du vaccin ne permet pas encore de voir les effets secondaires à long terme. »
«Pas cette année»
Si certains regrettent les pressions de leur hiérarchie, et parfois une culpabilisation, d’autres nuancent. «Je suis pour les vaccins, explique Céline, 47 ans. Pour le Covid-19, quand on aura un recul suffisant, j’y songerai, mais pas cette année.» Annie, 48 ans et soignante en Ehpad, tient un tout autre discours : «Je veux me faire vacciner, je trouve normal de protéger les résidents. Mais je sais, hélas, que 90% de mes collègues ne le feront pas. Ils seront plus aptes à se faire vacciner si les compagnies aériennes l’imposent, car les vacances comptent plus que les résidents.»
Pour Alain Fischer, le professeur nommé par le gouvernement pour piloter sa stratégie vaccinale anti-Covid-19, l’adhésion de la population sera favorisée par «des messages bien faits, ciblés, répétés, en évitant les arguments d’autorité», a-t-il expliqué dimanche au JDD. Mais la partie s’annonce serrée pour le gouvernement. « Il y a la conjugaison de deux choses : la France est le pays champion de la défiance à l’égard des élites politiques et de la vaccination, explique Alexis Spire, sociologue au CNRS. Par ailleurs, les injonctions contradictoires depuis mars face au coronavirus ont nourri un peu plus cette défiance.» Au-delà de la responsabilité qui incombe aux soignants, il y a un enjeu d’exemplarité. « Pour qu’il y ait une forme de confiance dans ce vaccin, il faut des intermédiaires entre les pouvoirs publics qui envoient un message et les personnes qui mettent en place cette campagne », insiste Alexis Spire. D’autant que le gouvernement veut éviter le fiasco de la campagne de vaccination contre le H1N1 en 2009. Les nombreux stocks n’avaient alors pas trouvé preneurs.