La majorité pénale à 13 ans en débat
Le projet de loi pour ratifier la réforme de la justice des mineurs doit être examiné à l’Assemblée nationale à partir de ce jeudi
L’annonce remonte à juin 2019. Dans un entretien accordé à La Croix, Nicole Belloubet, alors garde des Sceaux, esquissait les contours d’une réforme de l’ordonnance de 1945, qui régit en France la justice des mineurs. Elle détaillait la mise en place d’une mesure symbolique : la présomption d’irresponsabilité pénale jusqu’à l’âge de 13 ans. Son successeur, Eric Dupond-Moretti, s’apprête à défendre cette mesure. Ce jeudi, les députés examineront cette réforme.
Que prévoit la loi actuellement? Contrairement à de nombreux pays européens, la loi française ne fixe aucun âge en dessous duquel un enfant ne peut être poursuivi. Le Code pénal s’appuie sur la notion de « discernement» et précise : «Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables de crimes, délits
Vou contraventions dont ils ont été reconnus coupables. » Lucile Rouet, juge des enfants et secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature, explique : «Quand un juge des enfants doit statuer, il doit vérifier que le mineur en face de lui – qu’il ait 10 ou 17 ans – comprend les conséquences de son acte.» Pour le déterminer, le magistrat peut ordonner une expertise par un pédopsychiatre, demander une enquête sociale ou éducative. Un exercice délicat qui repose sur une notion jugée trop floue par certains professionnels du droit.
Pourquoi le gouvernement souhaite-t-il fixer un seuil? Contacté par 20 Minutes, le ministère de la Justice souligne que ce seuil vise à mettre la France en « conformité avec le droit international». La Convention internationale relative aux droits de l’enfant, adoptée en 1989 à l’ONU et ratifiée par
Vla France, exhorte les pays signataires à «établir un âge minimum en deçà duquel les enfants seront présumés n’avoir pas la capacité d’enfreindre la loi pénale». L’Ecosse et la Grèce ont fixé ce seuil à 8 ans, contre 10 ans pour l’Angleterre et la Suisse, ou 12 ans pour les Pays-Bas, le Portugal ou la Belgique.
Qu’est-ce que ça peut changer? Pour la magistrate Lucile Rouet, le cadre fixé par cette mesure « ne va pas assez loin » : « La présomption d’irresponsabilité pénale fixée à 13 ans prévue par le gouvernement est une présomption simple. Cela signifie qu’il pourra y avoir des exceptions et donc des poursuites. Les magistrats devront toujours
Vdéterminer si le mineur a agi ou pas avec discernement », souligne-t-elle, déplorant une «mesure d’affichage». Pour les affaires les plus graves, en cas de meurtre ou de viol par exemple, les juges pourront effectivement décider de poursuivre un mineur de 11 ou 12 ans, tout en motivant leur décision. Place Vendôme, on estime que cette souplesse « permettra aux magistrats d’ajuster leurs décisions à la personnalité des mineurs et une meilleure adaptation à leurs parcours éducatifs ou familiaux». En cas de ratification du texte au Parlement, cette mesure devrait entrer en vigueur le 31 mars.