20 Minutes (Bordeaux)

La chaîne s’éteint, entre amertume et découragem­ent

L’ambiance est pesante dans les locaux de la chaîne de Mediapro, dont les jours sont comptés

- Julien Laloye

Paul de Saint-Sernin ne reviendra pas pour le prochain multiplex de L1 sur Téléfoot, ce mercredi. Rassurez-vous, le chroniqueu­r n’a pas reçu sa lettre de licencieme­nt, lundi, en mangeant ses Chocapic. Il semblerait même que la chronique drolatique de l’humoriste, partagée avec Jenny Demay, dimanche soir, sur le plateau, ait bien amusé JeanMichel Roussier, le patron opérationn­el de la chaîne. Pour ceux qui l’ont ratée? Le récit réussi du pot d’adieu fictif de Mediapro, du moins son carton d’invitation, quatre mois à peine après la pendaison de crémaillèr­e.

Trois minutes d’exutoire collectif, où même les nerfs de la présentatr­ice Anne-Laure Bonnet ont fini par lâcher. «Tout le monde a applaudi à la fin, raconte un technicien présent en plateau. On a vécu un vrai moment de télé et, vu le contexte, ça faisait du bien de se détendre un peu. » Ceux qui bossaient sur le terrain ont tous envoyé un texto de soutien. Court, le plus souvent : « Merci, on en avait besoin. »

Le contexte, donc. Quelque 150 journalist­es, technicien­s, consultant­s et leurs sous-traitants floués, comme tout le monde, par Jaume Roures. Le dirigeant catalan était passé dans les bureaux, fin octobre, pour remobilise­r les troupes avec une promesse. Dans le pire des cas, «Mediapro ne laisserait personne sur le carreau ». Vendredi, il n’était pas présent pour signer le certificat de décès. Injoignabl­e, même par les pontes de la chaîne. Commentair­e de l’un d’entre deux au moment d’annoncer la terrible nouvelle : «J’espère qu’il aura les couilles de venir vous expliquer en personne pourquoi ça ferme. » Difficile de préparer le match du weekend après un tel coup de massue. D’autant qu’il faut faire la queue à la photocopie­use. «Tout le monde s’est ramené avec ses notes de frais», témoigne un salarié. Se faire rembourser au plus vite, avant la banquerout­e? Jusqu’ici, personne n’a eu à déplorer de retard de salaires. Y compris les pigistes, qui ont été envoyés au feu le lendemain sur la Ligue 2.v Il reste au moins deux journées à commenter, si ce n’est plus, le temps que la Ligue se mette d’accord avec un nouveau diffuseur. Dans les bureaux d’Aubervilli­ers (Seine-Saint-Denis), les plannings sont affichés jusqu’au 15 janvier, même si personne n’y croit vraiment. «Dans ma tête, dimanche, c’est la dernière », souffle une journalist­e. Elle ira tout de même faire son job en bord de terrain sans état d’âme, ce mercredi, sur un match de L1, «en donnant le max et avec le sourire, si possible ». Puis s’arrangera pour rejoindre les camarades devant le tribunal de Nanterre. Mediapro et la LFP doivent y entériner l’accord de cession des droits, mais les salariés ont décidé de marquer le coup. Pas tellement pour récupérer des indemnités mirobolant­es, après quatre mois d’ancienneté à peine, mais au moins pour le principe : « Il faut dénoncer ce qu’il se passe, prévient l’un d’entre eux. Dénoncer ce modèle spéculatif, ainsi que la manière dont sont gérés les business plans sur les droits sportifs. »

« Tout le monde s’est ramené avec ses notes de frais. » Un salarié

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Les journalist­es, ici Anne-Laure Bonnet, gardent le sourire tant bien que mal.

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