Elles les mènent en bateau
Les données météo sont les meilleures alliées des skippeurs
Elle fait la pluie et le beau temps pour les marins. Focalisons-nous sur la météo, paramètre crucial pour la flotte du Vendée Globe. C’est d’elle que découlent les choix stratégiques des skippeurs, chargés d’interpréter leurs fichiers numérisés indiquant la force et le sens du vent. Et ce avec l’aide d’un logiciel « qui va nous aider à trouver la bonne stratégie et aller explorer les meilleures routes possible selon ce qu’on recherche», nous explique Thomas Ruyant, qui a connu quelques difficultés lors de la course dernièrement (lire l’encadré). Ce dernier a pu donc répondre à certaines questions élémentaires.
Où faut-il aller pour avancer? Le bénéfice de temps sur le court terme sera-t-il judicieux à long terme? Est-ce bien raisonnable d’aller au coeur d’un système dépressionnaire coriace à ses risques et périls ? Sur cette dernière question, le skippeur sur LinkedOut est catégorique : «On n’est pas des têtes brûlées. Quand il y a 45 noeuds sur nos fichiers, c’est probablement des vents à 60-70 noeuds avec 9 m de houle qui nous attendent. » C’est pour cette raison que, il y a une semaine, alors encore bien à l’ouest du cap Leeuwin (océan Pacifique), Thomas Ruyant a fait un petit crochet vers le nord pour éviter la dépression qu’il n’a certes pas esquivée à 100 %, mais dont il a beaucoup moins subi les effets qu’en prenant une route directe. Résultat des courses, le bateau avance sans trop trembler, bref, que du bonheur. Évidemment, et bien que le Vendée Globe soit une course d’un trimestre, on ne fait pas le break sur la concurrence en jouant constamment la prudence. «Il y a des moments où la prise de décision va permettre de creuser un écart très confortable et où il faut se mettre à attaquer pendant deux, trois jours, détaille JeanYves Bernot, météorologue réputé dans le milieu de la course au large. Et des moments où il va falloir se faire mal pour réaliser le break.»
En 2020, on ne navigue plus à la boussole avec deux, trois notions de météo et de vieux adages marins pour soi. Et si une bonne interprétation des données météo suffit à faire bonne figure sur Virtual Regatta, elle est en revanche indissociable des autres paramètres qui s’offrent aux marins. Le vent peut être favorable, mais la mer, cassante, et, expose Thomas Ruyant, « des routes théoriquement meilleures sur les fichiers, mais techniquement plus dures à réaliser sur le bateau, peuvent nous mener à l’erreur. C’est ce qui est intéressant dans ce jeu de météo. » Eole, Zeus et Poséidon savent se montrer capricieux et prévoir le comportement des éléments n’est possible qu’à court terme, à l’exception des zones nord et sud du Pot au Noir, où les alizés sont des valeurs sûres. « Quand on traverse un océan, conclut le skippeur, on fait un pari sur une météo à dix jours. Il faut avoir un peu de chance, prédire les scénarios les plus réalistes. » Il existe néanmoins des zones où Thomas Ruyant et ses rivaux n’auront aucune marge de manoeuvre, comme le couloir étroit formé par le cap Horn et la zone d’exclusion antarctique, où ils devront prendre les éléments comme ils viennent.
«Quand on traverse un océan, on fait un pari sur une météo à dix jours.» Thomas Ruyant