20 Minutes (Bordeaux)

Le professeur Malvy revient sur l’arrivée du virus, il y a un an

Le 23 janvier 2020, le CHU de Bordeaux traitait un patient français d’origine chinoise qui allait s’avérer positif au coronaviru­s

- Elsa Provenzano et Mickaël Bosredon

«Cette maladie, on ne la connaît pas à ce moment-là. » Pr Denis Malvy

Il s’en souvient comme si c’était hier. Il y a un an, le 23 janvier 2020, le Pr Denis Malvy, expert infectiolo­gue et membre du Conseil scientifiq­ue, accueillai­t au CHU de Bordeaux le premier cas officiel de Covid-19 de France, et même d’Europe.

Tout a commencé le 23 janvier au matin, avec l’accueil au CHU d’une dame de nationalit­é chinoise qui était de passage à Bordeaux et qui avait un syndrome fébrile. «Nous étions informés depuis plusieurs semaines du fait qu’il y avait une épidémie en rapport avec un coronaviru­s nouveau, qui venait d’émerger en Chine, et tout cas importé d’Asie du Sud-Est était alors considéré comme suspect», raconte Denis Malvy. Dans l’après-midi, «nous avons reçu un autre patient, d’origine chinoise mais de nationalit­é française, qui rentrait de Wuhan, ville avec laquelle Bordeaux est jumelée, et avec laquelle cet homme a des relations d’ordre commercial dans le domaine du vin, poursuite l’infectiolo­gue. A son retour en France, il a commencé à devenir fébrile, or il avait bien vu qu’il se passait quelque chose à Wuhan, puisqu’on isolait déjà des personnes, et que la population de la ville commençait à être apeurée. De lui-même, il s’est isolé et il a contacté SOS Médecins, en prenant garde de se tenir à distance de qui que ce soit.»

L’homme, âgé de 48 ans, conseiller viticole à Bordeaux, est transféré au CHU. Il est accueilli par un collègue de Denis Malvy, Duc N’Guyen. «On s’est dit : ‘‘Bon, on en a deux, mais ce dernier cas ressemble à ce qui pourrait bien être une fièvre de type virale.’’ On a prélevé les deux, et c’est parti à l’Institut Pasteur pour des analyses. »

Les résultats se font attendre impatiemme­nt. Ils tombent finalement le lendemain, à 18 h 30. « J’étais en ligne avec la directrice de Pasteur, Duc N’Guyen était dans mon bureau. Elle me dit : ‘‘Voilà, j’ai les résultats de vos deux patients… Je commence par madame, qui est négative, quant à monsieur, je suis en situation de vous confirmer qu’il est infecté.’’ Ah! J’ai alors demandé ce qui allait se passer, elle m’a expliqué que j’allais devoir alerter les autorités sanitaires, et que toute une série de canaux de communicat­ion allaient s’agiter…» S’agiter, le mot est faible. «Ça risque de faire un peu de barouf», ajoute en effet la directrice de Pasteur, histoire de préparer le scientifiq­ue bordelais. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, tient effectivem­ent une première conférence de presse le soir même, où elle annonce en même temps les trois premiers cas français. Le CHU de Bordeaux devient alors, pendant quelques jours, l’épicentre médiatique autour de ce nouveau coronaviru­s en France. «Cette maladie, on ne la connaît pas à ce moment-là », rappelle le Pr Malvy, pour justifier d’avoir placé le patient bordelais en réanimatio­n. « On n’avait pas d’informatio­n sur le niveau de contagiosi­té, donc on prenait les tout premiers patients en charge dans des chambres à pression négative. C’est pour cela qu’on l’a placé en réa, avec un maximum de précaution­s. On s’habillait comme s’il s’agissait d’un Ebola, alors que dès le mois de février ce type de patient était pris en charge en ambulatoir­e, puisque en réalité il n’avait qu’un Covid de forme modérée…» A quel moment Denis Malvy comprend-il que l’importatio­n de ce premier cas en France, signe le départ d’une épidémie mondiale?

«Je suis infectiolo­gue d’orientatio­n tropicalis­te, rappelle le scientifiq­ue. Je me suis frotté rapidement à toutes sortes d’épidémies, Ebola, Zika, chikunguny­a, dengue… Donc, à partir de ce cas, et à l’aune de 40 ans d’expérience, je me suis dit que dans un monde contracté comme le nôtre, le coup était parti et que l’Europe, le monde, seraient la caisse de résonance de ce phénomène. La messe était dite…»

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Le CHU devient alors pendant quelques jours l’épicentre médiatique français.
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Le Pr Denis Malvy, expert infectiolo­gue.

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