20 Minutes (Bordeaux)

Filmer les opérations pour se prémunir des erreurs

Le chirurgien Eric Vibert publie un essai sur le «droit à l’erreur et le devoir de transparen­ce» dans le domaine médical

- Propos recueillis par Oihana Gabriel

C’est une probabilit­é qu’on préfère ignorer avant de passer sur le billard. Et si le chirurgien ou la chirurgien­ne faisait une erreur? Eric Vibert (photo), professeur d’université et chirurgien digestif à l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif (Val-de-Marne), pose la question du droit à l’erreur dans un essai original, paru mercredi, Droit à l’erreur, devoir de transparen­ce (éd. de l’Observatoi­re).

Ecrire un livre pour parler de ses erreurs comme chirurgien, c’est osé…

Ce qui m’a donné envie d’écrire ce livre, c’est que j’ai fait une erreur lors d’une opération et je l’ai compris en regardant la vidéo… qui était, à l’origine, un outil pédagogiqu­e. Quand je fais une erreur, ça me paralyse. Ma réaction a été l’écriture de ce bouquin.

Pour la chirurgie, « la meilleure piste de progrès à l’heure actuelle, c’est la transforma­tion du rapport à l’erreur », écrivez-vous. Pourquoi ?

Il faut être capable de sortir des dogmes dans lesquels on évolue pour améliorer sa pratique. Le bloc opératoire est un lieu qui se transforme avec de plus en plus d’assistance, d’aide à la décision. Les chirurgien­s vont l’accepter, ou pas. Je pense, par exemple, qu’on devrait filmer toutes les opérations. Mais mettre des caméras au bloc, c’est complèteme­nt fou, pour beaucoup. Certains voient l’initiative comme un outil pour blâmer, alors que c’est pour éviter qu’on récidive.

Vous estimez que ce droit à l’erreur permettrai­t d’améliorer la formation. C’est-à-dire ?

Pour faire de grosses opérations, qui apportent le petit frisson, il faut être considéré comme un grand chirurgien. Je reste persuadé que le succès d’une opération n’est pas lié à un homme providenti­el mais dépend d’une équipe et d’un environnem­ent.

Comment passer d’un équipage reposant sur un seul chef à une équipe où les responsabi­lités seraient partagées?

Par un rapport de confiance et par le fait d’accepter de se tromper. Le problème de ce métier, c’est que certains répondent systématiq­uement par oui ou par non. Plus je suis instruit, plus je réponds : « Je ne sais pas. » Si vous ne savez pas, vous écoutez les autres. Si je commence à me planter, je veux que le médecin en face de moi me dise : « Tu pars du mauvais côté. » C’est ça qui permet de mettre des barrières.

Vous abordez la question de la relation avec le patient, qui doit être, selon vous, plus transparen­te…

Il y a une nécessité de modifier le rapport paternalis­te du soignant au patient. En tant que médecin, on a une obligation d’informer le malade. Le problème, c’est qu’apporter cette connaissan­ce va prolonger la consultati­on. Une fois, un patient m’a posé de bonnes questions, et j’ai changé de stratégie. Mais tous les médecins n’acceptent pas de prendre ce temps.

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«Le succès d’une opération dépend d’une équipe», estime le médecin.
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