20 Minutes (Bordeaux)

«Il y avait une adhésion électorale à Alain Juppé »

Politologu­e à Science po Bordeaux, Jean Petaux analyse l’effondreme­nt du juppéisme à Bordeaux

- Propos recueillis par Elsa Provenzano

Il y a deux ans tout juste, Alain Juppé annonçait son départ de la mairie de Bordeaux. Son successeur, Nicolas Florian, n’a pas connu le succès électoral auquel son mentor était habitué. Jean Petaux, politologu­e à Sciences Po Bordeaux, livre à 20 Minutes son analyse sur ce qu’il reste du juppéisme dans une ville qui en a été le laboratoir­e, pendant près de 25 ans.

D’abord, que doit-on entendre par juppéisme ?

Quand Alain Juppé recueille 56 % des suffrages exprimés en 2008, avec une participat­ion qui n’avait rien à voir avec ce qu’on a connu en 2020, ou plus de 60% en 2014, il rassemble quasiment un Bordelais (inscrit sur les listes électorale­s) sur deux ! Alors, si on rapporte ce score à celui de Florian qui, lui, recueille le suffrage de 13 % des inscrits lors du deuxième tour des municipale­s, le 28 juin 2020, on peut dire qu’il ne reste plus grand-chose du juppéisme. C’était une adhésion électorale, au moins sur les deux dernières élections, à la personne de Juppé et à son projet urbain, et cela a fondu comme neige au soleil. Qu’en est-il des figures politiques locales comme Nicolas Florian ou Fabien Robert, qui se présentent comme ses héritiers ?

Pour l’instant, les héritiers n’ont pas capitalisé sur le départ de papa. L’alliance LR-Modem et LREM (aux municipale­s de 2020) couvrait pourtant le spectre de l’électorat de Juppé en 2008-2014, mais cela a été un échec pour des raisons qui ne tiennent pas purement et simplement à leurs défaillanc­es à eux. Le contexte des élections municipale­s de 2020 était très particulie­r. La balle abandonnée par Juppé n’a pas été vraiment ramassée par les suivants. Il n’est pas du tout impossible qu’au fond de lui-même, il se soit désintéres­sé de sa succession. Il est très responsabl­e de ce plantage, mais on est davantage dans l’acte manqué qu’autre chose, même s’il a dit une phrase comme : «Il n’y en a pas un de vous capable de me succéder »...

Le juppéisme sera-t-il une source d’inspiratio­n pour la droite dans les années à venir ?

Oui, c’est dans l’ordre des choses, d’abord parce que l’imaginatio­n n’est pas toujours au pouvoir, déjà même dans l’opposition. Alain Juppé disait tout le temps que celui qui avait le plus de sens politique c’était Fabien Robert [ancien adjoint à la culture d’Alain Juppé] biberonné à la politique très jeune dès 16-17 ans. Le triumvirat Florian, Cazenave et Robert va forcément avoir des problèmes de concurrenc­e interne, probableme­nt avant les prochaines municipale­s. Et celui qui apparaîtra comme le successeur authentiqu­e de Juppé sera celui qui va triompher de ses rivaux. Et on pourra alors véritablem­ent mesurer ce qu’est devenu le juppéisme à l’aune des résultats des municipale­s de 2026.

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Selon le politologu­e, Alain Juppé s’est «désintéres­sé de sa succession».
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