20 Minutes (Bordeaux)

D’un gratte-ciel à l’autre, l’adrénaline des escaladeur­s

Alexis Landot se distingue dans l’escalade urbaine, une discipline rendue célèbre en France par Alain Robert

- William Pereira

Escalader des tours hautes de centaines de mètres, beaucoup l’ont fait sur « Assassin’s Creed », mais peu l’ont tenté en vrai. A seulement 21 ans, et fort d’une quinzaine d’années d’escalade, Alexis Landot fait déjà partie de la seconde catégorie. Il compte à son actif l’ascension de la plus haute grue d’Ile-de-France, à Ivry-sur-Seine, de la tour Engie et de la tour Ariane à Paris. Son dernier fait d’armes ? Avoir avalé, le 3 avril, les 209 m de l’infernale tour Montparnas­se à mains nues et sans assistance en seulement quarante-huit minutes.

L’exploit n’est pas nouveau. Le pionnier français, Alain « Spider-Man » Robert, l’a réalisé à quatre reprises (« dont deux fois sur l’angle, ce qui est beaucoup plus compliqué », nous dit-il depuis Bali), en 1995, 1996, 2004 et 2016. Mais les images n’ont peut-être jamais été aussi belles. Un alliage d’excellence technologi­que et d’ensoleille­ment optimal. Presque trop. « Ça chauffait un peu la structure, commente Alexis Landot. Je ne me suis pas dit : “Oh mince, ça chauffe les doigts.” Dans ma tête, il y a juste de la concentrat­ion, le mouvement parfait et la distance qui me sépare de la fin. »

Le risque de chute est réel, mais minimisé par une préparatio­n en amont sur une structure métallique de son garage et des séances nocturnes sur la tour Montparnas­se, histoire de tâter le terrain et de comprendre l’architectu­re du bâtiment. « Mais, parfois, nuance Alain Robert, en cours de route, il y peut y avoir des prises, des pièces qui peuvent se dégrader, des fissures. » L’ascension du monument parisien a beau être considérée comme de difficulté moyenne dans le milieu, Alexis Landot n’échappe pas, comme prévu, à l’imprévu. En l’occurrence, le strap censé protéger ses doigts qui rend l’âme à une cinquantai­ne de mètres du sommet, l’obligeant à serrer les dents jusqu’au bout. « J’ai commencé à ralentir, parce que j’avais les les doigts en sang, les cloques qui explosaien­t à chaque étage, raconte le jeune homme. J’ai fait les trois quarts de la tour en une demi-heure, et le dernière quart en presque vingt minutes. C’est le moment le plus éprouvant mentalemen­t, mais c’est ce que j’aime avec ce sport. Une fois en chemin, on n’a plus le choix. »

Le mental a toutefois ses limites : si l’instinct de survie permet effectivem­ent de se surpasser, il ne peut pas faire de miracles. Le caractère rédhibitoi­re de l’escalade urbaine implique donc une parfaite connaissan­ce de ses propres capacités. « Un building, en trois, cinq minutes, on sait s’il est grimpable ou non, résume Alain Robert. Ensuite, il faut savoir si on est physiqueme­nt capable de l’escalader. Si vous évaluez mal, vous allez vous retrouver sans carburant musculaire et vos bras vont en souffrir. Et quand vous n’avez plus rien, vous n’avez plus rien. Vous avez beau crier, essayer, les bras vous lâchent et vous tombez, vous êtes cuit. » La sagesse dans la déraison, concept saugrenu auquel Alain Robert, bientôt 59 ans, doit sûrement sa longévité. Car, avant de s’attaquer aux reliefs urbains, il s’amusait, jeune escaladeur, sur des falaises infinies. « Mais si j’avais continué à grimper en solo comme je le faisais au quotidien en falaise, je n’aurais pas duré très longtemps, estime Robert. J’allais au maximum de la difficulté. Comme sur certaines tours. » Ce fut le cas lors de la montée de la tour Sears, à Chicago, après cinq années d’entraîneme­nt pour apprivoise­r les 442 m de la bête. Même si, dans ce jeu d’équilibris­te, la taille ne compte pas forcément. La tour Areva (178 m) à Paris, par exemple, ne s’escalade qu’avec la première phalange de chaque doigt. « J’ai fait une tour absolument atroce en Slovaquie et elle mesurait à peine 60 m, ajoute “Spider-Man”. Les cadres étaient plats et petits, là où, à Montparnas­se, c’est un peu des rails en forme de T, ce qui rend l’escalade aisée. » Pas dit qu’Alexis Landot, conscient du chemin qu’il lui reste à parcourir pour égaler l’idole d’enfance, voie les choses de la même manière. « Au sommet de la tour, j’ai la sensation de m’être dépassé, d’avoir fait quelque chose de grand. » Et tout indique qu’il est encore loin de l’overdose d’adrénaline. L’étudiant en graphisme digital compte trimbaler sa Go Pro sur d’autres buildings parisiens et d’Europe, sans plus de précisions : « C’est top secret. » Déjà que la police l’attend au sommet des immeubles, il ne faudrait pas en plus lui prémâcher le travail.

« Si vous évaluez mal, vous allez vous retrouver sans carburant musculaire. » escaladeur urbain

La tour Areva, à Paris, ne s’escalade qu’avec la première phalange de chaque doigt.

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Le 3 avril, Alexis Landot a grimpé la tour Montparnas­se, à Paris.
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Alain Robert aux Philippine­s.

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