20 Minutes (Bordeaux)

«Ces huit mois ont été un enfer»

La quatrième journée d’audience a été marquée par le témoignage puissant de la mère d’Arthur Noyer

- De notre envoyée spéciale à Chambéry, Caroline Girardon

Elle s’est avancée d’un pas décidé à la barre avant de se retourner vers l’accusé, pour le fixer droit dans les yeux. Et déverser toute sa peine, sa colère. La quatrième journée du procès de Nordahl Lelandais, jugé pour le meurtre du caporal Arthur Noyer, a été marquée par le puissant témoignage de Cécile Noyer, la maman de la victime. Une mère venue crier sa douleur dans la dignité.

Huit mois se sont écoulés entre la disparitio­n de son fils et la découverte de son corps. Ou du moins ce qu’il en restait. « Ces huit mois ont été un enfer », raconte-t-elle en tentant de maîtriser ses sanglots. Dans le box des accusés, Nordahl Lelandais la regarde mais courbe le dos. Elle l’appelle «monsieur» puis se reprend. « Non, pas “monsieur”, rectifie-t-elle. Quand vous dites que vous avez passé de mauvaises nuits après avoir tué Arthur, je vais vous raconter un cauchemar. »

Entre deux silences, Cécile décrit ce souvenir : «J’ai rêvé qu’Arthur me téléphonai­t. Je l’entendais. Il me disait : “Maman, viens me sauver. J’ai froid, je ne sais pas où je suis.” Je me suis réveillée, j’ai regardé mon téléphone. Je n’avais aucun appel d’Arthur. C’est terrible. Je n’ai pas pu me rendormir. J’ai pleuré toute la nuit.» Aujourd’hui, les proches du caporal attendent des réponses, mais pas celles que l’accusé a livrées. Ils ne croient pas à la thèse de la mort accidentel­le. «Quand on tue par accident, on a un minimum de culpabilit­é. Vous l’avez tué, balancé son corps dans un ravin et continué de vivre comme si de rien n’était. Le lendemain, vous êtes allé au cinéma. Le jeudi à 7h, vous aviez un rendez-vous sexuel et, le soir, vous faisiez la fête en boîte de nuit », soulève encore Cécile Noyer. Et d’enfoncer le clou : « Non seulement vous avez volé sa vie, mais vous avez volé ses dernières volontés. » Arthur, conscient qu’il pouvait mourir en mission, souhaitait faire don de son corps à la science avant d’être incinéré.

«J’ai rêvé qu’Arthur me téléphonai­t. Il me disait : “Maman, viens me sauver”.» Cécile Noyer

Monique, 73 ans, la grand-mère du caporal, a tenu également à évoquer la mémoire de son « petit Arthur », ce petit-fils tant aimé qui se délectait de ses «nouilles au beurre». «Voilà quatre ans que tu es parti», soupire-t-elle. Depuis, elle a «perdu le sommeil», «les fêtes ne sont plus pareilles». Chaque matin, elle observe le même rituel : embrasser la photo de son petit-fils. Elle aussi se met à défier du regard Nordahl Lelandais. «Ditesnous la vérité», l’exhorte-t-elle d’un ton presque menaçant. L’accusé aura une dernière occasion de le faire ce vendredi matin.

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Cécile Noyer, entouré de ses mari et fils, à la cour d’assises de la Savoie.

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