Avec de l’argent, on profite bien mieux du déconfinement
La deuxième étape du déconfinement, engagée mercredi, bénéficie-t-elle surtout aux classes aisées ?
C’était noté sur de nombreux agendas. Mercredi a commencé la seconde étape du déconfinement. Une étape unanimement attendue pour enfin retrouver les terrasses, les cinémas, les musées et autres joyaux de la vie sociale. Unanimement, vraiment? Ces petits plaisirs restent un coût économique que certains Français ne peuvent pas se permettre. En 2019, avant le coronavirus, une étude de Statita montrait, par exemple, que 20% des Français allaient une fois par an ou moins au restaurant et 29% moins de deux fois par an au cinéma. Alors, ce déconfinement est-il uniquement celui des classes aisées?
«Le déconfinement, comme le confinement, ne font que révéler les inégalités sociales», ne s’étonne pas Emmanuelle Lallement, anthropologue de la ville et des espaces publics. Pour les personnes qui ne pouvaient pas télétravailler, et qui n’ont pas l’habitude de manger ou boire dehors, les restrictions liées au coronavirus n’ont pas été vécues de la même façon que pour les autres. Et, maintenant que le pays se déconfine, tout le monde n’a pas les moyens d’en «profiter » pleinement.
Avec la pandémie, «un tiers des Français ont vu leur revenu ou leur activité diminuer et envisagent des mois de restrictions en termes de dépenses, tandis que d’autres ont massivement épargné», rappelle Vincent Chabault, sociologue de la consommation. Il confirme qu’il existe en France une vision très métropolitaine et centrée sur les classes supérieures du déconfinement.
Néanmoins, si tous les Français n’ont pas de quoi consommer dehors tous les jours, les classes populaires peuvent aussi profiter de ce 19 mai. Premièrement, ce sont aussi leurs métiers qui se déconfinent. Vincent Chabault développe : « Les serveurs, les gardiens de musée, les vendeurs au cinéma… sont autant de professions des classes précaires victimes de ces confinements.» De quoi regagner un salaire, mais également retrouver une vie sociale : «Que ce soit les collègues de travail ou les clients, c’est l’occasion de revoir du monde et de sortir de chez soi», avance le sociologue. Deuxièmement, « tout le monde bénéficie d’une ville plus animée. Cela donne plus de gens dehors – donc plus de clients pour l’ensemble des professions, plus d’interactions et de vie, qu’on consomme ou non», poursuit Vincent Chabault. Enfin, dernier point pour lui, toutes les activités possibles de ce déconfinement ne sont pas payantes. A commencer par le couvre-feu, prolongé à 21 h, mais également certains musées, les bibliothèques, médiathèques, etc. « Le plus important, surtout pour les personnes précaires, c’est la reprise économique», pointe Vincent Chabault. Pas certain donc qu’elles boudent ce retour premier à la consommation.
« Le déconfinement ne fait que révéler les inégalités sociales. » Emmanuelle Lallement, anthropologue de la ville