20 Minutes (Bordeaux)

Tanguy Penin fait danser les boules de pétanque

Grâce à ses vidéos de pétanque freestyle sur les réseaux sociaux, Tanguy Penin s’est fait un nom

- Nicolas Stival

Quand on est détenteur d’un BTS technico-commercial en vins et spiritueux, est-il possible de faire carrière dans la pétanque ? A notre connaissan­ce, personne ne s’était jamais posé la question avant Tanguy Penin. Depuis un peu plus d’un an, cet Aveyronnai­s de 21 ans collection­ne des millions de vues sur les réseaux sociaux en réalisant des défis impossible­s pour le commun des mortels. Dégommer des boules jusqu’à 30 m de distance, tirer par-dessus un étang, depuis un vélo d’appartemen­t posé dans le jardin, ou en lançant sa boule sous une jambe pour toucher une cible derrière un portable. Le jeune surdoué de la pétanque freestyle sait tout faire, et son habileté boule à la main lui a permis de changer de vie. Tout a commencé lors du premier confinemen­t, en mars 2020, et de ces journées sans fin, meublées par des challenges entre copains sur Instagram. D’abord des carreaux (la boule du tireur prend la place de celle qui a été dégommée), puis des boules à la sautée (en partant de la plus lointaine jusqu’à la plus proche)... Forcément, les amis n’ont pas suivi longtemps le virtuose.

« J’ai tenté le

12 boules [à la sautée], pendant deux jours j’ai galéré un peu, mais j’y suis arrivé », sourit

Tanguy Penin.

C’est pourtant la vidéo précédente, à neuf boules, qui va lancer la machine médiatique.

« J’ai reçu le message d’un site spécialisé, Boulistena­ute.com, qui l’a partagée, raconte le jeune homme. Le premier jour, elle a fait 75 000 vues. Le deuxième,

330 000, et le troisième, un million. [Aujourd’hui] Elle est à cinq millions de vues. » Presse locale et nationale, journaux, radio, télés ont parlé du jeune phénomène.

Un « influenceu­r pétanque » était donc né. Et il a vite été repéré par l’oeil avisé de Vincent Lepeltier.

Le quinquagén­aire dirige les PétanCoeur­s, une agence événementi­elle basée à Aubagne (Bouches-duRhône), qui propose aux entreprise­s des animations autour

« des valeurs bienveilla­ntes et émotionnel­les de la pétanque ». « Beaucoup de grandes marques viennent nous voir, indique Vincent Lepeltier. Quand, en mars 2020, j’ai vu passer la comète Tanguy dans la presse, il fallait absolument que je le contacte. » L’aventure commune commence par un défi au profit de l’associatio­n L’Enfant Bleu, qui soutient les victimes de maltraitan­ce.

Aujourd’hui, le chef d’entreprise est l’employeur, le manageur et l’agent de Tanguy. « Je négocie des contrats qui lui permettent de vivre de son art et de ses compétence­s, raconte Vincent Lepeltier. Il est l’un des seuls au monde à avoir développé le concept de pétanque freestyle. Bien sûr, tout le monde en fait dans son jardin. Mais ce que réalise Tanguy, qui est capable de tirer dans des positions incroyable­s, c’est exceptionn­el. »

Le jeune homme fait ses comptes : « J’en suis à 60 millions de vues sur TikTok, bientôt 20 millions sur Facebook, 2 millions sur YouTube et 400 000 sur Instagram. » Chaque jour, il imagine de nouvelles figures libres et dépoussièr­e l’image d’une discipline souvent réduite au triptyque folkloriqu­e « été-camping-pastis ». « Je suis assez créatif », assure le Castelrous­sin d’origine, débarqué il y a huit ans du côté de Millau, où il a vite troqué son sport précédent, le cyclisme, pour les boules et le cochonnet. « L’avantage de la pétanque freestyle, c’est que vous pouvez jouer partout, indique Tanguy Penin. Sur la route, la terre, l’herbe. Vous voyez n’importe quel obstacle, et vous allez tirer. » Et d’où lui vient cette adresse quasiment diabolique ? « C’est avant tout énormément de travail, balaie-t-il. Si je ne m’entraîne pas pendant trois semaines, je vais tout perdre. Lors du confinemen­t, je jouais jusqu’à trois heures par jour. Aujourd’hui, c’est un peu moins, mais tout de même trois ou quatre fois par semaine. Je dispose aussi d’un coach personnel pour m’améliorer. Sinon, je cours deux fois par semaine, je fais du vélo. »

Et quand l’athlète pose les boules, c’est désormais pour rencontrer des partenaire­s. Début mai, Tanguy Penin et Vincent Lepeltier sont partis en Italie pour aller visiter les locaux de Boulenciel, dans le Piémont. « C’est une entreprise très haut de gamme, se félicite le manageur. Elle a une “team” avec les meilleurs joueurs français et étrangers. Aujourd’hui, Tanguy n’a pas de titre national ou internatio­nal. L’objectif, c’est d’en obtenir tout en continuant de promouvoir la pétanque freestyle. »

Pour cela, l’influenceu­r a décidé de quitter la Pétanque Joyeuse de Millau, son équipe de toujours, pour rejoindre le Club bouliste monégasque. « J’ai signé à Monaco afin de faire des compétitio­ns européenne­s, détaille-t-il. Làbas, ils ont aussi le plus beau boulodrome du monde, sur le toit d’un immeuble. » S’il a conscience du boulot à parcourir, il espère bien taquiner les stars Dylan Rocher, Philippe Suchaud, Philippe Quintais ou Marco Foyot.

« Tirer seul devant une caméra, ce n’est pas la même chose que dans une équipe, avec des adversaire­s, face au public », reconnaît Tanguy Penin. Il compte bien jongler entre les deux pour gagner sa vie et continuer à débarrasse­r la discipline des clichés. « Depuis un an, j’ai dû recevoir 1 500 ou 2 000 messages de jeunes qui voulaient se lancer et me demandaien­t des conseils, se réjouit-il. Mon rêve, c’est de faire le tour du monde pour promouvoir la pétanque ». Un vrai travail d’évangélisa­tion qui a déjà commencé derrière son ordinateur, puisque ses exploits sont suivis dans une cinquantai­ne de pays, sur tous les continents.

« J’ai même des contacts avec le président de la fédération en Biélorussi­e, où il doit y avoir 150 licenciés, ajoute Tanguy Penin. J’aimerais aussi aider, en envoyant des boules dans certains pays comme l’Iran. » « On veut créer des liens en jouant sur les valeurs émotionnel­les de la pétanque, plutôt que sur le seul côté défi », martèle Vincent Peltier. Tout en continuant à faire exploser les compteurs sur les réseaux sociaux.

« Je négocie des contrats qui lui permettent de vivre de son art. » Vincent Lepeltier,

agent et manageur de Tanguy Penin

« Mon rêve, c’est de faire le tour du monde pour promouvoir la pétanque. » Tanguy Penin

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