A l’Odéon, la lutte reste à l’affiche
Malgré le déconfinement des lieux culturels, les spectacles n’ont pas repris dans le théâtre parisien, qui reste occupé
Le coeur n’était pas à la fête au théâtre de l’Odéon, mercredi matin. La veille, un coup de théâtre a fait trembler les murs de l’établissement parisien : La Ménagerie de verre, la pièce qui devait signer la reprise, avec pour tête d’affiche Isabelle Huppert, ne se jouera pas. Une décision prise par le directeur, Stéphane Braunschweig. Depuis plusieurs jours, un bras de fer se tient entre la direction du théâtre et une quarantaine « d’occupants ». Avant de les rencontrer, il faut montrer patte blanche auprès des agents de sécurité. Nous pouvons ensuite rencontrer Arthur, un journaliste pigiste, ainsi que Victoria, comédienne, chanteuse et autrice, et Martine, prof de boxe française, toutes deux en charge du « tour de garde », pour prévenir d’une éventuelle expulsion.
Depuis le 4 mars, une quarantaine de personnes vivent nuit et jour dans l’Odéon pour faire entendre leurs voix. Parallèlement, la partie non occupée accueille les équipes qui préparent la reprise. Une cohabitation qui semblait être tolérée par la direction, jusqu’à la semaine dernière.
«Le public doit revenir»
« J’ai considéré pendant deux mois que le théâtre étant fermé, on pouvait accepter un certain nombre de choses, explique Stéphane Braunschweig. Je pense que c’était nécessaire d’accepter cette occupation pour que ces revendications soient portées. Aujourd’hui, le public doit revenir, les artistes doivent pouvoir jouer et les conditions ne sont pas réunies. » Les deux parties dialoguaient depuis plusieurs jours en vue d’une reprise, mercredi. « Il n’est pas question de bloquer le spectacle ou de le perturber, précise Denis Gravouil, secrétaire général de la CGT Spectacle. On s’était proposé de se mettre à l’écart, à l’exception de prises de parole de deux minutes à l’ouverture des spectacles. » Un point de crispation a tendu les échanges : l’occupation nocturne des locaux. Conscients de faire acte de « désobéissance civile », les occupants refusent de négocier sur cette présence nocturne, de peur de se voir chasser peu à peu du théâtre. Outre la prolongation de l’année blanche, annoncée récemment par le ministère de la Culture, leurs revendications dépassent la sphère culturelle.
Ils demandent notamment le retrait de la réforme de l’assurance chômage, et « un plan massif de soutien à l’emploi, impliquant les jeunes ». Avec le souhait d’une convergence des luttes. Un appel à manifester, samedi à partir de 13 h, dans différentes villes de France, a été lancé. En attendant d’être entendus par le gouvernement, les occupants comptent poursuivre l’occupation du théâtre, sans empêcher la reprise. « Ce que nous demandons à la direction, c’est de tenir la représentation, a affirmé Denis Gravouil mercredi. Nous ne voulons pas bloquer les spectacles, nous voulons que tout le monde travaille. »