20 Minutes (Bordeaux)

#MeToo « J’ai peur de mal faire avec les femmes »

Le mouvement a entraîné une évolution des mentalités et des comporteme­nts. Même si certains hommes restent sur la défensive

- Delphine Bancaud

C ’était il y a cinq ans. Une onde de choc. Le 15 octobre 2017, l’actrice américaine Alyssa Milano publiait un message invitant les femmes victimes de harcèlemen­t sexuel à témoigner sur Twitter en utilisant le hashtag #MeToo. Un mouvement sociétal si fort qu’il a contribué à redéfinir les rapports entre les hommes et les femmes. D’abord en faisant prendre conscience aux hommes de la fréquence des violences sexistes et sexuelles que subissaien­t de nombreuses femmes, y compris dans leur entourage. À l’instar de Yanis, qui a répondu à notre appel à témoignage­s : « Ce mouvement a clairement fait ouvrir les yeux à beaucoup de personnes inconscien­tes de pratiques pouvant être déplacées. » #MeToo a ainsi conduit nombre d’hommes à revisiter leur passé. « Avant, ils justifiaie­nt certains comporteme­nts agressifs ou déplacés en avançant ce qu’ils pensaient être de bonnes raisons, explique Christine Castelain-Meunier, sociologue spécialist­e du masculin au CNRS. Mais, avec #MeToo, ils ont pris du recul par rapport à euxmêmes, se définissen­t plus comme sensibles, alors que, avant, cela était considéré comme un qualificat­if antiviril. » Une remise en question qu’a vécue Jean-Pierre : « Depuis #MeToo, je ressens une culpabilit­é totale d’être un homme. Je ne pense pas avoir maltraité ma compagne, mais j’ai le doute. » Cet exercice d’introspect­ion a parfois engendré un changement de comporteme­nt. « Les hommes prennent davantage de précaution­s, ils font plus attention à ne pas avoir de comporteme­nt déplacé », observe Christine CastelainM­eunier. Des célibatair­es se disent même, parfois, déboussolé­s face à cette nouvelle donne.

« Je ne fais plus la bise »

« Depuis #MeToo, j’ai peur de mal faire, que les femmes se sentent agressées si je les accoste », confie Sébastien. Un autre de nos lecteurs préfère prendre ses distances avec le sexe opposé : « Aujourd’hui, on peut être accusé pour une attitude mal interprété­e. Par exemple, je ne fais plus la bise. » Une appréhensi­on que décrypte Christine Castelain-Meunier : « Ils éprouvent un sentiment de flottement, car ils n’ont pas encore intégré les nouveaux modèles de masculinit­é. »

Chez certains hommes en couple, #MeToo a aussi changé la donne. Notamment chez les plus jeunes, qui prennent leurs distances avec le modèle paternel, dans la sexualité comme dans la vie domestique. « Lors des relations sexuelles, ils se préoccupen­t davantage des réactions de leur partenaire, de sa satisfacti­on », observe Christine Castelain-Meunier. Si les mentalités de certains ont changé, la tendance n’est pas globale. Des hommes ont l’impression de payer pour les autres, à cause de #MeToo. « Ça commence à aller un peu trop loin, s’agace Kévin. Les premiers baisers lors de rendez-vous galants devrontils être annoncés, afin de s’assurer du consenteme­nt de l’autre ? » Reste à savoir si les répercussi­ons de #MeToo continuero­nt à se faire sentir. « La tendance à ‘‘l’humanisati­on du masculin’’ va dans le sens de l’Histoire, avec l’essor de la culture égalitaire, du respect d’autrui et de l’estime de soi », assure Christine Castelain-Meunier.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France