#MeToo « J’ai peur de mal faire avec les femmes »
Le mouvement a entraîné une évolution des mentalités et des comportements. Même si certains hommes restent sur la défensive
C ’était il y a cinq ans. Une onde de choc. Le 15 octobre 2017, l’actrice américaine Alyssa Milano publiait un message invitant les femmes victimes de harcèlement sexuel à témoigner sur Twitter en utilisant le hashtag #MeToo. Un mouvement sociétal si fort qu’il a contribué à redéfinir les rapports entre les hommes et les femmes. D’abord en faisant prendre conscience aux hommes de la fréquence des violences sexistes et sexuelles que subissaient de nombreuses femmes, y compris dans leur entourage. À l’instar de Yanis, qui a répondu à notre appel à témoignages : « Ce mouvement a clairement fait ouvrir les yeux à beaucoup de personnes inconscientes de pratiques pouvant être déplacées. » #MeToo a ainsi conduit nombre d’hommes à revisiter leur passé. « Avant, ils justifiaient certains comportements agressifs ou déplacés en avançant ce qu’ils pensaient être de bonnes raisons, explique Christine Castelain-Meunier, sociologue spécialiste du masculin au CNRS. Mais, avec #MeToo, ils ont pris du recul par rapport à euxmêmes, se définissent plus comme sensibles, alors que, avant, cela était considéré comme un qualificatif antiviril. » Une remise en question qu’a vécue Jean-Pierre : « Depuis #MeToo, je ressens une culpabilité totale d’être un homme. Je ne pense pas avoir maltraité ma compagne, mais j’ai le doute. » Cet exercice d’introspection a parfois engendré un changement de comportement. « Les hommes prennent davantage de précautions, ils font plus attention à ne pas avoir de comportement déplacé », observe Christine CastelainMeunier. Des célibataires se disent même, parfois, déboussolés face à cette nouvelle donne.
« Je ne fais plus la bise »
« Depuis #MeToo, j’ai peur de mal faire, que les femmes se sentent agressées si je les accoste », confie Sébastien. Un autre de nos lecteurs préfère prendre ses distances avec le sexe opposé : « Aujourd’hui, on peut être accusé pour une attitude mal interprétée. Par exemple, je ne fais plus la bise. » Une appréhension que décrypte Christine Castelain-Meunier : « Ils éprouvent un sentiment de flottement, car ils n’ont pas encore intégré les nouveaux modèles de masculinité. »
Chez certains hommes en couple, #MeToo a aussi changé la donne. Notamment chez les plus jeunes, qui prennent leurs distances avec le modèle paternel, dans la sexualité comme dans la vie domestique. « Lors des relations sexuelles, ils se préoccupent davantage des réactions de leur partenaire, de sa satisfaction », observe Christine Castelain-Meunier. Si les mentalités de certains ont changé, la tendance n’est pas globale. Des hommes ont l’impression de payer pour les autres, à cause de #MeToo. « Ça commence à aller un peu trop loin, s’agace Kévin. Les premiers baisers lors de rendez-vous galants devrontils être annoncés, afin de s’assurer du consentement de l’autre ? » Reste à savoir si les répercussions de #MeToo continueront à se faire sentir. « La tendance à ‘‘l’humanisation du masculin’’ va dans le sens de l’Histoire, avec l’essor de la culture égalitaire, du respect d’autrui et de l’estime de soi », assure Christine Castelain-Meunier.