Séropositifs, vieux et pauvres
Une association dévoile la détresse des seniors LGBT, notamment ceux contaminés par le VIH
Francis Carrier défilera à la Gay Pride, samedi, à Paris. Mais, ce qu’il aimerait, c’est que l’on s’intéresse plutôt à Grey Pride, l’association qu’il a fondée en novembre pour aider les seniors LGBT. Si la solitude fait souffrir bien des personnes âgées, l’homosexualité accentue l’isolement. « Dans une association, la première question que l’on vous pose, souvent, c’est : “Vous avez des enfants ?” Plutôt que de s’inventer une vie hétéro ou de subir la discrimination, certains s’enterrent », assure le bénévole des Petits Frères des pauvres. « Et le sida ajoute une couche de discrimination », assure celui qui est séropositif depuis 1984. « Etre vieux et séropositif est devenu synonyme d’isolement et de honte, regrette à son tour Didier Lestrade, cofondateur d’Act up-Paris et de Têtu. Alors qu’on devrait être fier d’avoir survécu, de s’être battu pour les autres. » Cette figure de proue de la lutte contre le sida, séropositif depuis 1986, dénonce le manque de reconnaissance. « Dans les années 1990, on s’est battu pour avoir accès à des traitements mais, aujourd’hui, l’urgence est tout aussi importante pour des seniors séropositifs qui n’arrivent pas à boucler leur fin de mois », tempête le bénéficiaire du RSA qui, il y a deux ans encore, mangeait grâce aux Restos du Coeur.
Peu de solidarité
Le parcours professionnel des séropositifs a souvent été bouleversé par la maladie. Soit parce qu’ils ont milité pendant des années bénévolement, soit parce que leurs problèmes de santé leur ont imposé des parenthèses dans leur carrière. « Bien sûr, l’espérance de vie des séropositifs a augmenté, reprend Francis Carrier. Environ 50 000 d’entre eux ont plus de 50 ans et, dans quelques années, deux tiers entreront dans le grand âge. Mais, quand on vit avec 800 €, sans ami et au cinquième étage sans ascenseur, l’espérance de vie risque de chuter vite ! » Et la solidarité ne va pas forcément de soi. « Le regard de la communauté LGBT sur ses vieux n’est pas tendre, reconnaît-il. Le modèle dominant reste le jeune de 25 ans musclé avec un petit cul. » Avec Grey Pride, Francis Carrier espère constituer un groupe de pression pour que l’Etat se penche sur la situation des seniors séropositifs et LGBT. Pour qu’ils ne soient pas oubliés dans les messages de prévention. Pour que des Ehpad qui leur soient dédiés voient le jour… D’ici là, il entend reconstruire du lien social, grâce à une ligne d’écoute deux fois par semaine et à un salon ouvert une fois par mois. « Parce que la première étape, c’est de les rendre visibles, de leur rendre leur fierté, leur droit d’exister. »