Vers une prise en charge de l’addiction aux jeux vidéo
Addictions La reconnaissance de la pratique exagérée du jeu vidéo comme trouble mental à part entière va redistribuer les cartes
Envisagée en janvier, la reconnaissance de l’addiction aux jeux vidéo comme maladie mentale par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) doit être effective ce mois-ci. Une addiction qui concernerait « entre 0,5 et 1 % de la population française », avance Bruno Rocher, psychiatre spécialisé en addictologie au CHU de Nantes. Mais, concrètement, que va bien pouvoir changer cette officialisation du trouble pour les malades ? Des médicaments remboursés, un arrêt-maladie si besoin, mais, surtout, une prise en charge plus spécifique.
« Jusqu’à présent, à défaut de parler d’addiction, certains jeunes étaient diagnostiqués psychotiques, souffrant d’une phobie scolaire, regrette Michaël Stora, psychologue et coauteur de Hyperconnexion (Larousse). Certains étaient hospitalisés, sous médicaments, ce qui n’était pas forcément indiqué. » L’officialisation pourrait donc aider les personnes qui minorent leurs symptômes ou n’osent pas consulter. Mais aussi permettre « l’ouverture de centres spécialisés, de formations et le déblocage de fonds », espère Christophe Cutarella, psychiatre addictologue, membre du collège scientifique de la fondation Ramsay générale de santé. Sans évidemment tomber dans l’excès de diagnostic.
Améliorer la recherche
L’autre enjeu est d’encourager la recherche. Une définition mondiale permettrait « de comparer et d’échanger des données de manière cohérente et normalisée – entre les hôpitaux, les régions, les pays et au cours du temps », souligne l’OMS. Un préalable pour mieux évaluer la prévalence par tranche d’âge, l’évolution, les causes de cette addiction comportementale récente et peu étudiée. Ces dernières lacunes sont dénoncées par l’industrie du jeu vidéo. « A ce jour, aucune étude épidémiologique n’a pu conclure de manière irréfutable qu’il existait une addiction aux jeux vidéo», relève Julien Villedieu, délégué général du syndicat national du secteur. D’ailleurs, la communauté scientifique n’est pas unanime : en 2012, l’Académie de médecine n’a pas retenu le terme d’« addiction », lui pré- férant celui de « pratiques excessives » des jeux vidéo. Et si certains médecins alertent plus globalement sur les dangers d’une omniprésence des écrans, à l’inverse, d’autres soignent grâce à ces mêmes jeux vidéo. Enfin, certains voient dans la reconnaissance de l’OMS une occasion de mieux prévenir les risques d’excès de consommation de jeux vidéo. Par des messages d’alerte quand on remarque que le gamer joue douze heures par jour, ou par un numéro gratuit comme celui mis en place pour les addicts aux jeux d’argent.