L’Europe se fait désirer
Le Conseil européen, ce jeudi, s’annonce sous haute tension après les récentes dissensions politiques sur la politique migratoire
Après la crise de l’« Aquarius », les pays membres de l’UE se présentent divisés à Bruxelles. La France et l’Allemagne appellent à des accords bilatéraux ou trilatéraux entre les « Etats qui décident d’avancer ensemble ».
Dans les couloirs de la Commission, on le reconnaît aisément : la politique migratoire « empoisonne » les discussions européennes. Ce jeudi, à l’occasion du Conseil européen, les 28 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union parviendront-ils à trouver l’« antidote » à cette crise politique ravivée après l’accostage chaotique de l’Aquarius en Espagne ?
Des « institutions dépassées »
La chancelière allemande Angela Merkel l’a répété dimanche à Bruxelles, faute de consensus, il faut désormais « réunir ceux qui sont volontaires pour trouver un cadre commun d’action». En clair, tant pis pour ceux qui ne souhaitent pas jouer le jeu de l’Europe. Un discours nouveau pour Marine De Haas, responsable des questions européennes pour La Cimade : « Jusqu’à maintenant, les politiques migratoires européennes étaient communautarisées, c’est-à-dire qu’elles étaient discutées et adoptées au niveau européen, puis transposées dans les pays membres. Chaque pays possède une politique migratoire nationale spécifique, mais tous doivent respecter les règles européennes. »
Mais, l’augmentation du nombre d’arrivées de migrants venus de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan à l’été 2015 a poussé certains gouvernements – en Pologne, en Hongrie – à fermer leurs frontières et à refuser l’application des règles européennes en matière de relocalisation. « Les institutions européennes sont dépassées », tranche Marine De Haas.
Dans ce contexte, la mise en oeuvre et le développement d’accords entre deux ou trois Etats de l’Union permettraient «de faciliter les transferts de réfugiés et de migrants» dans le cadre des accords de Dublin, justifie une source à l’Elysée. «Depuis 2014, nous avons fait des progrès puisqu’on a enregistré en 2017 une baisse de 97 % des arrivées sur l’est de la Méditerranée et de 77 % sur la Méditerranée centrale, rappelle Isabelle Jégouzo, cheffe de représentation de la Commission européenne à Paris. Les solutions bilatérales peuvent permettre au cadre européen de progresser. » «Mettre en place des accords entre pays volontaires s’inscrit dans la continuité d’une politique mise en place depuis vingt ans, dénonce Shoshana Fine, docteure en sciences politiques et relations internationales et spécialiste des questions migratoires. Il n’y a pas vraiment de politique harmonisée, mais un manque criant de solidarité entre les Etats membres et vis-à-vis des migrants.»
Après l’épisode de l’Aquarius, les positions paraissent inconciliables. Pour Marine De Haas, c’est « un constat d’échec» : «La seule position viable, c’est d’arriver à trouver un consensus au niveau européen.»