« Je me méfie de la virtualité du monde »
La chanteuse Zazie sort un nouvel album, « Essenciel », ce vendredi
Il y a vingt-trois ans, elle chantait « Zen ». Aujourd’hui, elle entonne « Speed », le premier extrait de son nouvel album, Essenciel, qui sort ce vendredi. Zazie change de rythme et de rythmiques, mais conserve son sens des jeux de mots et des vibrations positives. 20 Minutes a rencontré une chanteuse qui aime prendre son temps et déteste le perdre.
Plusieurs chansons de l’album invitent à se libérer de différentes formes d’oppression. Est-ce comme une réactualisation de votre tube « Zen » à une époque plus grave ?
Plus c’est grave et plus il faut être léger. Cela ne veut pas dire se foutre de tout, mais je pense qu’on peut se désencombrer. Il y a un culte de l’anxiogène et de l’immédiateté à la télévision, avec le virtuel, avec Internet, etc. Cela n’incite pas quelqu’un à être curieux de l’autre, mais plutôt à en avoir peur. Alors qu’on peut aussi éteindre la télé de temps en temps.
L’époque manque-t-elle de légèreté ?
Elle manque de célébrer aussi la beauté des choses. Elle manque de poésie. On nous a dit pendant des années qu’il fallait avoir des carrières verticales, des choses vertigineuses… Mais, quand on est en haut, qu’est-ce qu’on fait ? On descend.
Le temps qui passe vous fait-il peur ?
Il me ferait peur si je ne l’occupais pas à des choses qui sont essentielles pour moi maintenant. Il me ferait peur s’il était du temps perdu. Il me ferait peur si je le passais à faire des réunions interminables pour rien, à voir des cons et à m’ennuyer profondément – au sens littéral du terme, c’est-à-dire que la personne que je suis m’ennuie. Il me fait peur quand j’ai l’impression que c’est vertigineux ou que je m’éloigne de moi, de la nature de ce que je suis.
Dans « Ma story », vous moquez les réseaux sociaux. Vous les avez en horreur ?
J’avoue que je m’en méfie beaucoup. Je me méfie de la virtualité du monde. Je trouve que c’est dangereux, parce que ça nous éloigne du vrai contact, du vrai partage. Il y a des choses très bien sur le Net, comme la facilité de pouvoir commander un truc sans se déplacer, de parler à un copain à l’autre bout du monde, de pouvoir débattre, de pouvoir informer le public de ce qu’on fait et comme on veut, sans passer par un média. Mais je m’en méfie, parce que je trouve qu’il y a quelque chose de pornographique à vouloir combler tous les besoins en cinq secondes et dix doigts. Ce n’est pas normal. De temps en temps, c’est bien de s’ennuyer plutôt que de se divertir.
Twitter, c’est donc à petite dose pour vous ?
Twitter, je n’y vais pas. D’ailleurs, mon entourage peut vous le dire, mon portable est sur silencieux en permanence.
En tant que coach dans « The Voice » vous avez fait profiter de jeunes talents de votre expérience. Cette aventure vous a-t-elle apporté
quelque chose, a-t-elle modifié votre approche de la musique ?
Cela ne l’a pas changée, mais il y a eu une réciprocité. On essaie de transmettre des choses à ces jeunes. En échange, cela a réhabilité les interprètes, des gens qui chantent hyper bien et qui ne sont pas forcément intéressés par l’écriture ou la composition. « The Voice » m’a aussi réconciliée avec la télévision. C’est un programme élégant, où les gens sont bien traités : ils sont suivis psychologiquement pour ne pas péter des câbles et ne pas subir les retombées nucléaires de l’après-célébrité immédiate. Je vois plein de gens qui me parlent de cette émission, dont des intellectuels qui l’avouent un peu honteusement, et me disent que chanter le samedi soir, c’est mieux que se mettre sur la gueule.
«Le temps qui passe me ferait peur si je le passais à voir des cons.»
« L’émission “The Voice” m’a réconciliée avec la télévision.»