Les braconneurs de chardonnerets poursuivis
La région est très touchée par le braconnage d’oiseaux protégés
Les Hauts-de-France ne sont pas épargnés par le trafic d’animaux sauvages. Jeudi, un homme devait comparaître devant le tribunal correctionnel de Lille pour « enlèvement ou capture d’espèce animale protégée ». En l’occurrence, des chardonnerets élégants. Une affaire qui lève le voile sur une pratique très répandue dans la région.
Le 21 janvier 2017, près de la gare Saint-Sauveur, à Lille, un homme d’une cinquantaine d’années a été interpellé par des agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Dans la besace de l’individu, les fonctionnaires ont découvert deux chardonnerets élégants, des petits oiseaux protégés. Lors de ses auditions, « mon client a reconnu qu’il braconnait. Comme son grand-père et son père avant lui », a déclaré l’avocat du suspect, maître Bironneau. Pour autant, le mis en cause a affirmé qu’il ne faisait pas commerce de ces oiseaux.
Une tradition issue de la mine
« Pour cette affaire, je ne me prononce pas. Mais c’est toujours ce que disent les braconniers qui se font attraper, réagit Bertrand Warnez, de l’ONCFS du Nord. Il faut savoir que le prix de certains chardonnerets va de 30 à plusieurs centaines d’euros sur le marché. » En 2017, le tribunal de Lille a vu passer une quarantaine de prévenus accusés de trafic d’oiseaux protégés : « En deux ans, nous avons saisi environ 600 oiseaux. Le Nord et le Pas-de-Calais font partie des départements les plus touchés par ce trafic », assure Jean-Michel Vasseur, un autre agent de l’ONCFS. Plusieurs raisons à cela : « C’est une tradition qui vient de la mine, quand les mineurs descendaient avec des canaris pour détecter le grisou. Ça a évolué en concours de chant et de beauté. Le début du braconnage vient d’une déviance à croiser les canaris avec des espèces sauvages », explique l’agent.
La région se trouve aussi sur les voies de migration des oiseaux et elle regorge de friches dans lesquelles ils trouvent leur nourriture. « On sait très bien que la friche SaintSauveur renferme de nombreuses espèces protégées, prévient l’écologiste Lillois Dominique Plancke. Si les braconniers ne viennent pas à bout des chardonnerets, c’est l’urbanisation qui le fera de toute façon », déplore-t-il. Le procès de l’homme a été reporté à mars 2019 en raison de pièces manquantes au dos- sier, notamment une expertise des oiseaux saisis. « Il encourt deux ans de prison et 150 000 € d’amende », selon l’ONCFS. Dans les faits, les peines sont assez faibles : « Entre 400 et 600€ en composition pénale. Beaucoup recommencent, ça prouve bien que c’est rentable », soupire Jean-Michel Vasseur.