20 Minutes (Lille)

A court de confiance

Le suicide d’un enseignant d’Eaubonne (Val-d’Oise) met en lumière les rapports conflictue­ls entre l’école et les parents.

- Delphine Bancaud

Exercer son métier de prof avec passion, être apprécié, puis se voir cloué au pilori par un parent d’élève. C’est ce qui est arrivé à Jean Willot, 57 ans. Cet enseignant de primaire à Eaubonne (Val-d’Oise) a fait l’objet d’une plainte pour « violences aggravées sur mineur par une personne ayant autorité ». Une mère d’élève estimait qu’il était responsabl­e d’une griffure dans le dos de son fils, alors que Jean Willot affirmait, lui, l’avoir réprimandé, niant tout contact physique. Il n’a pas supporté d’être suspecté de la sorte et s’est pendu mi-mars, laissant des lettres à ses proches. Dans chacune d’entre elles figurait la mention « innocent ». Ce drame fait écho aux tensions croissante­s entre parents et enseignant­s. Le baromètre du climat scolaire annuel de la Fédération des autonomes de solidarité laïque (FAS) montre, en mars, que les violences envers les professeur­s ont progressé de 7 % entre 2017 et 2018. « Dans les faits, 55 % des litiges que nous traitons impliquent des parents, constate Vincent Bouba, secrétaire de la FAS. Les deux tiers des dossiers reçus font mention d’insultes, de menaces et de propos diffamatoi­res. » La confiance réciproque entre l’école et les familles a perdu du terrain. « L’école n’est plus autant valorisée dans les familles et le métier de professeur est moins bien considéré socialemen­t, souligne Béatrice Descamps, députée UDI et coauteure d’un rapport en 2018 sur les relations école-parents. Des parents refusent de parler à l’enseignant ou au chef d’établissem­ent. Parfois parce qu’eux-mêmes ont eu un vécu scolaire difficile. » Et ce non sans conséquenc­e. « En cas de désaccord, ils ont de plus en plus tendance à judiciaris­er les “petits problèmes” », poursuit Christophe Tardieux, enseignant à Tremblay-enFrance (Seine-Saint-Denis). Progressiv­ement, un sentiment d’insécurité s’est installé. « Les enseignant­s savent que tout ce qui sera perçu comme un écart de conduite pourra leur être reproché, analyse Philippe Vincent, secrétaire général du syndicat des chefs d’établissem­ent. Même si beaucoup de plaintes sont classées sans suite, la perspectiv­e d’avoir à répondre à des policiers est stressante. » De fait, des profs souhaitent être mieux préparés au conflit. « Une formation à la gestion des relations avec les parents, à la responsabi­lité civile des enseignant­s, devrait être intégrée au programme des ESPE (écoles supérieure­s du professora­t et de l’éducation) », estime Vincent Bouba. Car la communicat­ion reste la meilleure prévention du délitement des relations.

« Les “petits problèmes” sont de plus en plus judiciaris­és. » Christophe Tardieux, enseignant

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Entre 2017 et 2018, les violences envers les profs ont progressé de 7 %.

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