« Pendant trente ans, l’Etat français n’a pas réagi »
Professeur d’histoire de la santé à l’Ecole des hautes études en santé publique, Patrick Zylberman revient sur la genèse des «antivax» et leur supposée puissance.
La défiance vis-à-vis des vaccins ne date pas d’hier…
En effet, elle est aussi vieille que la vaccination elle-même! Dès 1796, Edward Jenner [médecin britannique, père du vaccin contre la variole] a reçu des objections et des condamnations, dont les plus importantes n’étaient pas médicales, mais théologiques. Pour les religieux de l’époque, c’est l’homme qui prétend choisir qui vit et qui meurt.
Les réseaux sociaux ont-ils facilité les thèses des « antivax » ?
Oui, mais ils sont trompeurs, car ils sont une caisse de résonance qui crée une hystérisation. Certaines études [notamment la dernière du Leem, organisation fédérant les entreprises du médicament, qui montre que 17 % des personnes interrogées ne sont pas favorables aux vaccins] donnent des chiffres élevés du mouvement, mais, en réalité, on s’aperçoit que les antivaccins purs et durs représentent entre 1 et 2% des Français.
Pourquoi, selon vous, la France est-elle considérée comme la « championne » de la défiance vis-à-vis des vaccins ?
L’enquête sur l’opinion publique et les vaccins de Heidi Larson [2016], montrait que, sur 67 pays du monde, la lanterne rouge était la France. Mais cette étude est biaisée : il y a, par exemple, des cultures médicales différentes, les mots n’ont pas le même sens d’un pays à l’autre. La particularité de la France est le fait que, pendant trente ans, l’Etat n’a pas réagi, par crainte de susciter des oppositions.