20 Minutes (Lille)

Le concept « camp » se fait une place sur les écrans

Le concept, issu de la culture gay et marqué par une certaine extravagan­ce, irrigue peu à peu séries, films et programmes télé

- Fabien Randanne

Le 9 mai, le prestigieu­x gala du Met, organisé sous l’égide d’Anna Wintour au Metropolit­an Museum de New York, aura comme dress code le « camp ». Peu de chance que les stars invitées débarquent en sandales-chaussette­s et short kaki. Car ce mot du lexique anglophone – il faut le prononcer « campe » – est certes tiré du verbe français « camper », mais au sens de « prendre la pose ».

Si ce concept, tiré de la culture gay, vous est encore complèteme­nt inconnu, vous n’allez pas tarder à vous familiaris­er avec lui. Ces dernières saisons, il irrigue les défilés des fashion weeks. Sur Netflix, il se trouve du côté de « Dynastie » ou de « RuPaul’s Drag Race ». Au festival CanneSérie­s, il était incarné par « Now Apocalypse » de Gregg Araki. Et mardi soir, il se fera une place sur M6 à 21 h dans « Together », un divertisse­ment musical qui a recruté plusieurs drag-queens, transformi­stes et sosies de Céline Dion.

Vous n’êtes guère plus avancé ? Essayons alors de définir ce qu’est le camp grâce à l’Américaine Susan Sontag et son essai écrit en 1964, Notes on Camp. Elle le décrit comme «fondamenta­lement ennemi du naturel, porté vers l’artifice et l’exagératio­n », mais aussi comme « enjoué, à l’opposé du sérieux » même si, comme elle l’écrit, «on peut se moquer du sérieux et prendre la frivolité au sérieux». «C’est du mauvais goût théâtral assumé avec ironie », résume Franck Finance-Madureira, créateur de la Queer Palm remise lors du Festival de Cannes à un film abordant les thématique­s LGBT.

Le camp, on le déniche aussi bien dans les films de John Waters que dans le plus grand public Priscilla, folle du désert. Côté musique, il est chez Lady Gaga et Cher, voire chez Nicki Minaj et s’invite à l’Eurovision. En France, on trouve sa trace dans Sitcom, Huit Femmes ou Potiche de François Ozon mais aussi, comme l’avançait Susan Sontag, dans « la personnali­té et la plupart des ouvrages de Cocteau».

« Le camp à la française, c’est quand même plus convenu et contenu, ça manque toujours un peu de folie. Les Crevettes pailletées, une comédie qui sortira le 8 mai, est une tentative de camp plus franche et lâchée que ce qu’on a pu voir auparavant », nuance le créateur de la Queer Palm. Il poursuit : «En France, on a touché du doigt la démocratis­ation d’un esprit camp lors de la grande vague drag-queen dans les années 1990. Un phénomène dont les Sister Queen ont été le visage. » Tonya Loren, l’une des interprète­s du tube « Let Me Be a Drag Queen », est d’ailleurs au casting de « Together ». Dans cette nouvelle émission, adaptée d’un format britanniqu­e, les candidats doivent convaincre 100 personnali­tés de se lever pour chanter avec eux. Le tout dans une ambiance bon enfant qui n’exclut pas les réparties cinglantes et les remarques piquantes. Autrement dit, une petite pincée de camp diffusée auprès du grand public. Gare cependant à ne pas réduire ce style à une fonction divertissa­nte. Pour Rei Kawakubo, créatrice de la marque de mode Comme des garçons, c’est au contraire «une valeur dont on a besoin ». « De nombreux styles, tels que le punk, ont perdu leur esprit rebelle. Le camp peut exprimer quelque chose de plus profond et donner naissance au progrès », expliquait-elle l’an passé, citée par AnOther Magazine. Le camp n’est donc sans doute pas près de lever le camp.

«C’est du mauvais goût théâtral assumé avec ironie. » Franck Finance-Madureira, créateur de la Queer Palm

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Une mannequin lors du défilé hiver 2018 de Comme des garçons.
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Les personnage­s principaux de la série « Now Apocalypse ».

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