20 Minutes (Lille)

Une économiste en appelle à plus d’outils communs

Europe Pour l’économiste Lucrezia Reichlin, l’Union est plus solide qu’en 2010, mais des améliorati­ons sont nécessaire­s

- Propos recueillis par David Blanchard

A l’approche des élections européenne­s, 20 Minutes vous propose quatre interviews d’intellectu­els pour mieux comprendre les enjeux de l’Union. Le premier volet, avec l’économiste italienne Lucrezia Reichlin, professeur­e à la London Business School et au Collège de France, porte sur la gouvernanc­e de la zone euro et ses nécessaire­s améliorati­ons.

Faut-il craindre une nouvelle crise au sein de la zone euro ?

La dette agrégée de la zone euro est l’une des plus basses, si on compare avec les Etats-Unis ou la GrandeBret­agne. Il n’y a pas de raison d’être trop préoccupé. La soutenabil­ité de la dette repose sur la croissance potentiell­e et les taux d’intérêt. La première est plutôt basse pour des raisons démographi­ques et de productivi­té, mais elle reste potentiell­ement proche de celle des Etats-Unis. Les seconds sont très bas. Mais quand on s’inquiète d’une crise de la dette possible, on ne s’inquiète pas du taux d’intérêt moyen, mais de celui de certains pays, comme ce fut le cas de la Grèce en 2010. Aujourd’hui, seule l’Italie est menacée.

La zone euro serait-elle aujourd’hui davantage en capacité de faire face à une telle crise qu’en 2010 ?

L’Europe a des outils qu’elle n’avait pas à l’époque. La Banque centrale européenne (BCE) peut mettre en oeuvre le programme des opérations monétaires sur titre. Cela permet de financer des emprunts d’un pays en crise s’il le demande, et s’il accepte en contrepart­ie certaines réformes sous la supervisio­n du Fonds de stabilité européen. La question n’est donc pas tant si l’Europe pourra assumer cette crise, mais si un gouverneme­nt acceptera cette mise sous tutelle.

En France, plus aucun grand parti ne fait campagne en réclamant la sortie de la zone euro. Est-ce la victoire de la monnaie unique ?

Aucun parti ne l’a mis à l’agenda, car les citoyens sont majoritair­ement favorables à l’euro. Il y aurait des coûts énormes pour en sortir et un retour au passé qui serait plein d’inconnues.

Quels outils manquent-ils encore à la zone euro ?

Il y a un outil commun pour superviser les banques et un mécanisme de résolution unique pour éviter que les coûts de la crise ne retombent sur les contribuab­les, mais il manque un outil commun pour fournir des liquidités quand les banques sont en redresseme­nt. Il n’y a pas d’outil pour empêcher la contagion d’une partie de la zone euro à une autre. Il manque aussi un outil budgétaire. La BCE peut accroître sa politique de relance économique, mais les taux sont déjà presque à 0 et elle a acheté beaucoup de titres souverains. Il manque une politique monétaire et fiscale plus harmonisée : chaque pays mène la sienne de son côté. Un fonds européen pourrait être créé pour répondre à cette question, financé par la BCE ou les marchés, qui interviend­rait en cas de grave crise.

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Lucrezia Reichlin plaide pour de nouveaux outils communs.

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