L’A1 s’écoulera-telle dans le canal?
Trafic routier Le chantier du canal fluvial Seine-Nord Europe va commencer en 2021, mais son impact sur la circulation de l’A1 fait débat
Les travaux du premier tronçon du canal Seine-Nord Europe, de 18 km, doivent commencer au printemps 2021. Après la fin de l’enquête publique sur cette première partie du chantier, 20 Minutes fait le point sur l’intérêt logistique de ce projet à 5,1 milliards d’euros, que certains appellent même « chantier du siècle » ? et qui doit voir le jour durant la prochaine décennie. L’objectif premier de ce canal est de développer la part modale du fluvial par rapport à la route. Or, sur ce point, les estimations restent contestées. En juin, un rapport de la Cour des comptes européenne sur les grands projets financés par l’Europe a jeté un nouveau doute sur les prévisions de trafic, qu’elle estime surévaluées, comme l’explique le site DailyNord. Il faudrait, pour atteindre les objectifs, que le report du trafic routier vers le fluvial «soit multiplié par 38 ou que la part des conteneurs soit trois plus élevée qu’elle ne l’est sur l’ensemble du Rhin actuellement ». Peu réaliste pour l’institution de contrôle.
Dans l’enquête publique, une contribution de l’association Volt Hautsde-France va dans le même sens, estimant « les hypothèses trop optimistes », à moins, préconise-t-elle, de taxer les transporteurs sur l’A1 pour accélérer ce transfert modal. « On assiste depuis deux ans à un retour du fluvial, même si c’est vrai qu’il est difficile de savoir comment va évoluer le trafic, admet PierreYves Biet, directeur de la Société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE). Et l’ouverture du canal doit aussi créer une dynamique pour le trafic sur la Seine : environ 25 % d’augmentation entre 2030 et 2035, car des péniches ne seront plus bloquées entre Le Havre et Paris. »
Les études de la SCSNE tendent à démontrer qu’en empruntant un canal à grand gabarit, les coûts deviennent plus rentables que par la route au-delà de 400 km pour les marchandises en vrac, et au-delà de 100 km pour les conteneurs. Si tous ces éléments sont pris en compte, le report envisagé de la route vers le canal pourrait correspondre à une baisse d’environ 10 % du trafic des camions sur l’A1.
« Ce projet est surdimensionné, dénonce Jacques Delhay, ancien technicien des Ponts et Chaussées du canal du Nord. On a trop favorisé la route ces quarante dernières années et ce chantier a pris trop de temps à voir le jour. » Pour Pierre-Yves Biet, il s’agit avant tout de ne pas « refaire la même erreur qu’avec le canal du Nord ». Et de rappeler que, « conçu à l’époque pour transporter le charbon du Nord vers Paris, il était obsolète dès sa mise en service, en 1965 ».
«On a trop favorisé la route ces quarante dernières années.»
Jacques Delhay,