20 Minutes (Lille)

« 20 Minutes » a pu consulter le procès-verbal d’audition de Gérald Darmanin, accusé de viol

Exclusif « 20 Minutes » a pu consulter le procès-verbal d’audition de Gérald Darmanin, accusé de viol

- Vincent Vantighem

C’était la fin de l’audition. Les ultimes questions après des heures passées sur les détails, parfois très intimes, de cette soirée de 2009. Les deux juges, Mylène Huguet et Dimitri Dureux, demandent alors à Gérald Darmanin de prendre « du recul ». Accusé de viol, le ministre de l’Intérieur se plie immédiatem­ent à l’exercice. «Je n’aurais pas dû la rencontrer », tranche-t-il d’abord. Avant de ramener le sujet sur le terrain politique. « Je pense qu’il y a un lien entre le dépôt de [sa] plainte et ma nomination au gouverneme­nt d’Emmanuel Macron. [Sophie Spatz] avait fait campagne pour François Fillon, et je suis certain qu’elle m’en a voulu d’avoir rejoint l’équipe du président. » Interrogé le 14 décembre sur la plainte pour viol qui le vise, Gérald Darmanin a laissé entendre qu’il était la cible d’une forme de vengeance politique en raison de son passage des Républicai­ns à En marche, d’après son procès-verbal d’audition, que 20 Minutes a pu consulter.

C’est dans les locaux de l’UMP que cette histoire a commencé, en 2009. A l’époque, Sophie Spatz, 37 ans, se rend au siège du parti, dont elle est adhérente, pour obtenir de l’aide. Ancienne escort girl, elle a été condamnée pour avoir harcelé son ex-petit ami. Elle veut réclamer la révision de son procès mais ne sait pas comment s’y prendre.

Ce jour-là, la elle se retrouve face à Gérald Darmanin. Il a 26 ans et est conseiller aux affaires juridiques auprès de Xavier Bertrand, alors secrétaire général de l’UMP. C’est son premier poste. Dans sa plainte, Sophie Spatz assure qu’il lui promet de l’aider. D’intervenir auprès du ministère de la Justice. Et, toujours selon le récit de la plaignante, il convient, quelques jours plus tard, de dîner avec elle. Du restaurant, la soirée se poursuit dans un club libertin, puis dans un hôtel voisin, où ils ont une relation sexuelle. « Ce soir-là, il m’a dit : ‘’Il va falloir m’aider aussi…’’, raconte aujourd’hui la plaignante. J’avais compris que je n’avais pas le choix. Il m’a mis sous contrainte psychologi­que. »

Gérald Darmanin ne conteste pas avoir eu une relation sexuelle. Mais il assure qu’il n’en était pas à l’initiative. Face aux juges, il explique que c’est elle qui a pris les choses en main, évoquant « un moment de gêne et d’excitation ». Et d’ajouter : « A 26 ans, quand on vit ce genre de scène, on s’en souvient. » Pourtant, lors de la même audition, il reconnaît sans fard que ce n’est pas la première fois qu’il se rendait dans ce club échangiste. Et il ne se dérobe

« A 26 ans, quand on vit ce genre de scène, on s’en souvient. »

«Je pense qu’elle ne voulait pas que je sois ministre.»

pas quand il s’agit de donner des détails sur la configurat­ion des lieux. A l’intérieur, raconte-t-il, ils passent du temps au bar plutôt qu’aux salons. Et c’est Sophie Spatz qui paie. « Ayant un compte commun avec ma fiancée, je ne me voyais pas payer en chèque ou en carte bancaire dans un club échangiste », admet-il

«Je l’avais trouvée jolie», confie-t-il aussi aux magistrats. Mais, selon sa version, c’est surtout pour parler de politique qu’il avait souhaité la revoir, après avoir vérifié qu’elle était bien adhérente et « même » donatrice à l’UMP. « C’était une relation de militants. » « On a parlé de politique.» A plusieurs reprises, il fait allusion à la politique pour expliquer leur rencontre. Et pour expliquer pourquoi, selon lui, il n’a pas été visé par cette plainte avant 2017. Soit lors de son ralliement à Emmanuel Macron. « Je pense qu’elle ne voulait pas que je sois ministre, car, à ses yeux, j’avais trahi ma famille politique», affirme-t-il. Pour le savoir, les juges devraient organiser une confrontat­ion dans les prochaines semaines.

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Le ministre de l’Intérieur a laissé entendre aux juges que la plainte qui le vise a été déposée par vengeance politique.

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