20 Minutes (Lille)

Un autre regard sur les récits historique­s avec le colorblind

De plus en plus d’acteurs et actrices non blanches sont choisies pour interpréte­r des personnage­s historique­s

- Pauline Butel

La reine Charlotte, femme de George III, jouée par une actrice métisse, Golda Rosheuvel, dans La Chronique des Bridgerton. Le comte Orlov, conseiller de Catherine II, interprété par Sacha Dhawan, acteur d’origine indienne, dans The Great. Ou encore le rôle de la fameuse deuxième épouse de Henri VIII, dans la future minisérie Anne Boleyn, attribué à Jodie Turner-Smith, d’origine jamaïcaine… Voici trois exemples récents de castings dits colorblind.

Privilégie­r le talent

Pratiquer ces castings «daltoniens», c’est choisir de distribuer les rôles sans prendre en compte l’origine ethnique des acteurs. De ce fait, des rôles traditionn­ellement attribués à des Blancs peuvent être attribués à d’autres : Noirs, Arabes ou Asiatiques par exemple. L’idée est de privilégie­r le talent et la capacité d’un acteur à incarner un rôle, plutôt qu’un choix guidé par une volonté de « réalisme racial », réel, stéréotypé ou supposé. En sortant ainsi d’une tradition de «white gaze», vision artistique apposant uniquement des filtres issus de la culture blanche et occidental­e, les séries aux castings colorblind visent à «transforme­r les imaginaire­s collectifs», explique Rokhaya Diallo, journalist­e et militante antiracist­e. Les exemples les plus marquants de castings colorblind concernent des séries historique­s. Et pour cause : la question de la pertinence s’y pose de manière accrue. Pour Rokhaya Diallo, «dans la mesure où ce choix de casting n’altère pas la compréhens­ion de l’oeuvre et que la couleur de peau n’est pas un ressort dramatique de l’histoire, ce n’est pas nécessaire­ment un problème. »

La journalist­e précise que «les nonBlancs sont discriminé­s de manière structurel­le», trouvent moins facilement du travail, et ont du mal à sortir de seconds rôles ou de rôles stéréotypé­s. Voilà pourquoi, quand Gérard Depardieu joue le rôle d’Alexandre Dumas, métis d’origine antillaise, on parle non pas de casting colorblind, mais de white-washing, une « blanchisat­ion ». Jean-François Dunyach, maître de conférence­s en histoire moderne à la Sorbonne, conclut : « C’est une fiction, alors, dans la mesure où c’est impossible de reproduire la réalité de ces sociétés, laissons plutôt s’exprimer les talents. »

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La reine Charlotte, jouée par une actrice métisse dans La Chronique des Bridgerton.

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