Un autre regard sur les récits historiques avec le colorblind
De plus en plus d’acteurs et actrices non blanches sont choisies pour interpréter des personnages historiques
La reine Charlotte, femme de George III, jouée par une actrice métisse, Golda Rosheuvel, dans La Chronique des Bridgerton. Le comte Orlov, conseiller de Catherine II, interprété par Sacha Dhawan, acteur d’origine indienne, dans The Great. Ou encore le rôle de la fameuse deuxième épouse de Henri VIII, dans la future minisérie Anne Boleyn, attribué à Jodie Turner-Smith, d’origine jamaïcaine… Voici trois exemples récents de castings dits colorblind.
Privilégier le talent
Pratiquer ces castings «daltoniens», c’est choisir de distribuer les rôles sans prendre en compte l’origine ethnique des acteurs. De ce fait, des rôles traditionnellement attribués à des Blancs peuvent être attribués à d’autres : Noirs, Arabes ou Asiatiques par exemple. L’idée est de privilégier le talent et la capacité d’un acteur à incarner un rôle, plutôt qu’un choix guidé par une volonté de « réalisme racial », réel, stéréotypé ou supposé. En sortant ainsi d’une tradition de «white gaze», vision artistique apposant uniquement des filtres issus de la culture blanche et occidentale, les séries aux castings colorblind visent à «transformer les imaginaires collectifs», explique Rokhaya Diallo, journaliste et militante antiraciste. Les exemples les plus marquants de castings colorblind concernent des séries historiques. Et pour cause : la question de la pertinence s’y pose de manière accrue. Pour Rokhaya Diallo, «dans la mesure où ce choix de casting n’altère pas la compréhension de l’oeuvre et que la couleur de peau n’est pas un ressort dramatique de l’histoire, ce n’est pas nécessairement un problème. »
La journaliste précise que «les nonBlancs sont discriminés de manière structurelle», trouvent moins facilement du travail, et ont du mal à sortir de seconds rôles ou de rôles stéréotypés. Voilà pourquoi, quand Gérard Depardieu joue le rôle d’Alexandre Dumas, métis d’origine antillaise, on parle non pas de casting colorblind, mais de white-washing, une « blanchisation ». Jean-François Dunyach, maître de conférences en histoire moderne à la Sorbonne, conclut : « C’est une fiction, alors, dans la mesure où c’est impossible de reproduire la réalité de ces sociétés, laissons plutôt s’exprimer les talents. »