« L’État pourrait être favorable à presque toutes les cryptos sauf bitcoin »
Coautrice de « Bitcoin & Cryptomonnaies faciles » (First Éditions)
« L’écosystème va tellement vite que ce sera compliqué pour la BCE de sortir un euro numérique qui soit compétitif à temps. » Claire Balva
Qui mieux que Claire Balva pouvait écrire un livre intitulé Bitcoin & Cryptomonnaies faciles (First Éditions, 12,95 €) ? Cofondatrice de Blockchain Partner, l’un des premiers cabinets de conseil spécialisé dans les cryptomonnaies, de l’Adan, l’association des professionnels de la crypto en France, elle est une oratrice très recherchée quand il s’agit d’expliquer aux dirigeants d’entreprise ce que le Web3 peut faire pour eux. Venue sur notre plateau sans son acolyte de toujours, Alexandre Stachtchenko avec qui elle a écrit le livre et créé son cabinet aujourd’hui intégré à KPMG, elle a répondu en direct aux nombreuses questions de la communauté.
BenjyBorg : Quelle est la différence entre une cryptomonnaie et nos euros, qui, pour la plupart, n’existent que sous une forme numérique ?
Une des grandes différences, ce sont les infrastructures informatiques. Les euros numériques, comme ceux sur votre compte en banque, ne peuvent pas sortir des serveurs sur votre banque. Si vous voulez les retirer, c’est forcément en cash, en billets de banque. À l’inverse, si vous avez une cryptomonnaie, vous pouvez le retirer de la plateforme d’échange et le stocker sur votre Ledger [portefeuille matériel], par exemple. C’est une différence quasi philosophique. Avec les cryptomonnaies, vous pouvez être le propre dépositaire de votre argent.
20 Mint : Quand on parle de monnaie numérique de banque centrale (MNBC), on est sur un entre-deux?
On ne sait pas, parce que c’est un peu fumeux, les MNBC. Si on regarde ce qui se passe en Chine, on n’a pas de blockchain derrière la monnaie numérique mais simplement une modernisation de l’infrastructure qui permet de gérer la monnaie. Elle donne à la banque centrale un lien plus direct avec les citoyens, qui ne passe pas systématiquement par les banques commerciales, mais donne un grand contrôle et une visibilité sur tous les flux. Mais ce n’est pas ce que j’appelle une crypto.
Twenty-Eight : Peut-on imaginer que la Banque centrale européenne (BCE) crée un e-euro ?
C’est en projet, mais c’est compliqué d’avoir un avis parce qu’on ne sait pas ce qu’ils vont faire. On ne sait pas quelle sera l’infrastructure technique, comment ils vont protéger la vie privée. L’écosystème des cryptos va tellement vite par rapport au rythme de création potentielle d’un euro numérique que ce sera compliqué pour la BCE de sortir un euro numérique qui soit compétitif à temps. Le plus probable, c’est qu’après plusieurs années de groupes de travail, de rapports, la BCE constate qu’il y a des cryptomonnaies adossées sur l’euro qui sont régulées correctement et crée une sorte de fédération qui gère leur émission et harmonise tout cela.
20Mint : Peut-on imaginer que les états encouragent à utiliser un e-euro plus facilement traçable, pour des raisons fiscales ou de lutte contre le terrorisme?
L’argument pour les états, je le vois très bien, mais ça ne fait pas l’adoption. À moins qu’il n’y ait une grande incitation à cette adoption, en distribuant de l’argent.
20 Mint : Ils pourraient simplement l’imposer et interdire toute autre monnaie...
Sans doute, mais ce serait oublier le lobbying bancaire. La plupart des banques commerciales sont assez hostiles aux MNBC parce qu’elles n’ont pas envie d’être court-circuitées. La banque centrale n’a pas du tout envie de se mettre à dos toutes les banques commerciales.
Twenty-Eight : L’État français estil favorable aux cryptos?
Ça dépend de quelles cryptos. Le pouvoir public pourrait être favorable à quasiment toutes les cryptomonnaies sauf bitcoin. Les monnaies type ether, solana, etc., ça dynamise l’économie, ça permet de créer beaucoup d’applications et c’est plus entrepreneurial que politique. Mais tous les projets plus politiques, qui ont une dimension anarchiste ou libertarienne, entrent, eux, en conflit avec les idées et la volonté de carrière des dirigeants.
20 Mint : Les déboires récents de plateformes d’échange ont fait évoluer les regards sur les cryptos ?
Bien sûr. Je fais beaucoup de conférences d’acculturation et je vois les questions qui changent en fonction du marché. Il y a un côté morose depuis quelques mois, mais il y a aussi beaucoup plus de gens qui suivent le secteur. Il y a quatre ou cinq ans, tout cela était assez confidentiel. Finalement, malgré la chute des marchés, je suis plutôt optimiste quand je vois le nombre de personnes qui se sont formées et qui continuent à en parler.