Ferme verticale Un nouveau champ des possibles
À Château-Thierry (Aisne), Jungle fait pousser basilic, persil, laitue ou encore wasabi dans un hangar géant, afin de produire davantage
Exit les plaines extérieures, à perte de vue. Chez Jungle, il faut avoir endossé charlotte et blouse blanche et lever la tête pour se faire une idée de la taille de l’exploitation. Cette start-up, installée à Château-Thierry (Aisne), à une centaine de kilomètres au nord-est de Paris, et cofondée par Gilles Dreyfus et Nicolas Séguy, produit, dans un grand hangar, des herbes aromatiques (basilic, persil, coriandre…), des micropousses (moutarde, wasabi…) et des salades (laitue, roquette).
Ces plantes poussent dans des bacs qui se superposent pour former des tours de 9 m de haut. Six fonctionnent à ce jour. Elles sont disposées par paires, entre lesquelles monte et descend un robot, suivant les instructions qu’on lui donne. Ne cherchez pas de terre, « on est en hydroponie, explique Gilles Dreyfus. L’eau, mélangée à des sels minéraux et des nutriments, apporte aux racines ce qu’elles trouvent habituellement dans la terre. » Les leds horticoles, eux, baignent les cultures dans une lumière violette. «On apporte à la plante le spectre lumineux qui lui convient le mieux tout au long de sa croissance », détaille Gilles Dreyfus. Enfin, il y a le climat. Une cinquantaine de capteurs contrôlent en permanence l’humidité, la concentration de CO2, le renouvellement de l’air et tout un tas d’autres facteurs.
Vingt tonnes de végétaux par tour
L’optimisation de ces paramètres est mise au service du goût et de la « qualité nutritionnelle», assure Gilles Dreyfus. Elle permet aussi d’accroître grandement la productivité, et donc de viser la rentabilité. « Pour le basilic, nous avons 14 récoltes annuelles contre 3 à 4 réalisées en pleine terre » illustre-t-il. Chaque tour produit 20 t de végétaux par an, qui garnissent les rayons de Monoprix, Grand Frais, Carrefour ou Intermarché. Mais cette agriculture verticale est encore très embryonnaire en France, et n’échappe pas à un certain scepticisme.
Ainsi, Christine Aubry, chercheuse à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) et spécialiste de l’agriculture urbaine, est très réservée sur ces fermes verticales : « Surtout lorsque les start-up qui les portent promettent de révolutionner l’agriculture et de résoudre notre problème de souveraineté alimentaire. » Elle liste tout de
même des niches dans lesquelles cette agriculture aurait une carte à jouer. « Le domaine spatial, en vue des missions longues qui se préparent vers la Lune et Mars, commencet-elle. Mais aussi la pharmacie ou la cosmétique, des filières qui peinent à s’approvisionner en plantes.» En revanche, pour la production de nourriture, la chercheuse peine à voir le plus de l’agriculture verticale. « Peut-être dans d’autre pays très urbanisés avec peu de terres autour », tempère-t-elle. Ce qui n’est pas le cas en France. Christine Aubry pointe enfin le coût énergétique de cette option verticale, « d’autant plus fort que les prix de l’énergie s’envolent ». Prometteur, le modèle n’en est encore qu’à l’état de jeune pousse.
Cette agriculture aurait une carte à jouer « en vue des missions longues qui se préparent vers la Lune et Mars ». Christine Aubry, chercheuse à l’Inrae