Un film roumain mention très bien
Prix de la mise en scène à Cannes, ce drame est d’une grande intensité
Agressée la veille du bac, Eliza, 16 ans, n’a plus la tête à décrocher la mention qui lui permettrait de poursuivre ses études en Angleterre. Mais son père est prêt à tout pour qu’elle obtienne son diplôme. Baccalauréat traite de la paternité, via un drame dont l’enjeu dépasse la simple réussite à un examen. « La question, c’est plutôt de savoir jusqu’où le fossé entre notre discours et nos actes nous est supportable, souligne son réalisateur Cristian Mungiu. Le père de famille est un médecin revenu de ses espoirs nés avec la chute du communisme en 1989. Lorsqu’il se retourne sur son passé, il ne voit rien de mirobolant. Il trompe sa femme de façon un peu minable et mise tout ce qui lui reste sur l’avenir de sa fille. » Un avenir qui passe par une mention au bac, condition indispensable pour continuer ses études à l’étranger. « En tant que parent, on essaie d’être exemplaire vis-à-vis de ses enfants pour pouvoir leur tenir un discours moral, estime le cinéaste. Mais on tient parfois un double langage. »
Petit budget et système D
A la question morale s’ajoute une question politique : faut-il encourager ses enfants à rester en Roumanie pour faire évoluer la société ou les envoyer à l’étranger pour assurer leur avenir ? « Chez nous, on se pose tous cette question, raconte le cinéaste. A titre personnel, j’ai fait le choix de rester en Roumanie pour continuer à faire des films en langue roumaine. Avec de tout petits budgets et beaucoup de débrouillardise. Mais, pour les diffuser, c’est une autre affaire. Il n’y a plus aujourd’hui qu’une dizaine de salles qui projettent du cinéma d’auteur. Tout cela n’est pas qu’une question d’argent, mais de stratégie politique. » Cristian Mungiu a inventé un système de cinéma itinérant, pour apporter ses films dans les villages. « Je pensais que les autorités politiques réagiraient au fait que la palme d’or attribuée à un cinéaste roumain (en 2007 pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours) doive être projetée dans d’aussi mauvaises conditions dans son propre pays. Mais, hélas, rien n’a évolué. Au contraire, ces projections artisanales sont devenues la norme pour le cinéma d’auteur. » Depuis sa sortie, Baccalauréat a été vu par 55000 spectateurs en Roumanie. Un bon score, les films d’auteur ne dépassant guère 10 000 entrées dans ce pays. « Je suis heureux qu’il ait été vu, parce que ce n’est pas un film élitiste. C’est un film que j’ai fait en pensant aux parents. » A tous les parents, de Roumanie et d’ailleurs.
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