Bonnevaux, le village qui résiste au vote FN
A Bonnevaux, dans les Cévennes, presque aucune voix n’est donnée à l’extrême-droite
D’où que l’on vienne, Bonnevaux est un endroit qui se mérite. Il faut monter depuis l’Ardèche, le Gard, la Haute-Savoie ou la Lozère, pour enfin distinguer ces maisons en roche de schiste typiques du plateau cévenol. Nous y sommes venus pour comprendre comment ce dernier village d’irréductibles résiste encore et toujours au vote Front national. Presque 100 inscrits sur les listes électorales, et jamais un bulletin en faveur du parti d’extrême-droite. Aurélia et Fabien, un couple de touristes alsaciens venus profiter des sentiers de randonnée pour les vacances, ne savaient pas : « On pourrait penser au contraire que dans un village qui a su conserver une telle qualité de vie, des gens soient tentés de voter FN pour garder leur chez-eux. » Un habitant de Bonnevaux a bien glissé un bulletin frontiste dans l’urne lors des dernières élections européennes. Peut-être le même qu’en 2007, la seule fois où on avait aussi relevé un vote FN. La nouvelle a fait jaser dans les chaumières. « Une mauvaise blague pour qu’on arrête de parler de Bonnevaux dans les médias », résume Sabine, une retraitée installée définitivement il y a deux ans. L’insolent a eu le mérite de décomplexer les nouveaux arrivants, dont certains n’osaient pas s’inscrire sur les listes de peur qu’on les regarde de travers en cas de montée soudaine du vote Marine. On a vérifié auprès des derniers immigrés, Magalie et Franck, un couple d’agriculteurs qui a repris la bergerie du col de Péras, à la sortie du bourg, sans rien savoir de sa couleur politique. La parole à Magalie : « C’est sûr qu’il ne faudrait pas deux voix Le Pen dans quinze jours, sinon on va nous mettre dehors (rires). » On s’était aussi bêtement imaginé un village idyllique, où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Sourire entendu de Roseline Boussac, maire sans étiquette depuis 2004 : « On a nos tensions aussi, vous savez. La vie à Bonnevaux n’est pas un long fleuve tranquille. » Ils sont beaucoup à avoir découvert Bonnevaux dans leur jeunesse hippie au début des années 1970, au moment où les habitants descendaient dans la vallée pour travailler dans les mines de charbon. « Je cherchais un coin sauvage, préservé de la pollution. Ici, tout le monde est écolo, et ça nous réunit bien plus que la politique », témoigne Michel. « Je ne vois rien qui a changé dans la vie du village pour que le FN sorte du bois », conclut la maire, qui reçoit des courriers en nombre après chaque élection. Un jour, une anonyme a même offert 50 € aux habitants pour qu’ils fêtent ça autour d’un apéro. A Bonnevaux, tout le monde reprendrait bien une tournée le 8 mai.
« La vie ici n’est pourtant pas un long fleuve tranquille. »
La maire Roseline Boussac